La lutte contre le changement climatique dans les pays les plus pauvres

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Par Christin Calixte

Comment aider les pays les plus pauvres à lutter contre le changement climatique ? Le défi est de taille. À l’échelle de la planète, ces trois dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. Les émissions de dioxyde de carbone produites par les combustibles fossiles et l’industrie sont reparties à la hausse en 2017 après s’être brièvement stabilisées. De nombreuses régions connaissent des tempêtes, des inondations et des épisodes de sécheresse plus sévères et plus fréquents. D’après le dernier rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), même en supposant que l’on parvienne à contenir l’élévation de la température mondiale en dessous de 2 °C, les conséquences de ce scénario seraient bien plus lourdes que les effets d’un réchauffement limité à 1,5 °C.

Conscient qu’il est urgent d’intensifier les interventions, le Groupe de la Banque mondiale a annoncé, à l’occasion de la conférence mondiale sur le changement climatique à Katowice (COP24), des cibles nouvelles et ambitieuses pour l’action climatique qu’il mène avec les pays en développement. Nous venons non seulement de réaliser avec deux ans d’avance l’objectif de financements alloués à l’action climatique fixé pour 2020, mais nous prévoyons également de multiplier par deux le volume de financements pour le climat, afin de les porter à 200 milliards de dollars sur les cinq ans allant de 2021 à 2025. Par ailleurs, nous considérons l’adaptation et la résilience comme des priorités absolues, car des millions de personnes subissent déjà les conséquences désastreuses de phénomènes climatiques plus extrêmes. En portant à 50 milliards de dollars environ les financements directement destinés à l’adaptation sur 2021-25, la Banque mondiale accorde désormais autant d’importance à l’adaptation qu’elle n’en donne à la réduction des émissions.

L’Association internationale de développement (IDA), le fonds du Groupe de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres, jouera un rôle essentiel à cet égard. Nombre des pays clients de l’IDA subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique, en particulier leurs populations les plus pauvres et les plus vulnérables.  Et les chiffres sont éloquents : étant donné que l’évolution du climat va déplacer les terres agricoles productives, à l’horizon 2050, l’Asie du Sud pourrait compter 40 millions de migrants climatiques internes, et l’Afrique plus de 86 millions.

Vu l’urgence et l’ampleur de la demande de financements (on estime que les pays les plus pauvres auront besoin de 1 000 milliards de dollars pour honorer leurs engagements climatiques d’ici 2030), l’IDA sera amenée à jouer un rôle plus important encore. Avec l’IDA-18, notre cycle de financement triennal qui est récemment arrivé à mi-parcours, nous avons intensifié l’appui destiné à des projets de lutte contre le changement climatique. Nous nous tournons maintenant vers les nouvelles cibles du Groupe de la Banque mondiale, et nous nous en servirons pour faire progresser la lutte contre les changements climatiques au bénéfice de nos clients.

Grâce à l’appui solide de ses bailleurs de fonds partenaires, l’IDA contribue à l’intégration des questions climatiques dans la réforme des politiques et la planification du développement, de sorte que les pays parviennent à réduire leurs émissions de carbone, à renforcer leur résilience et à s’adapter aux enjeux du changement climatique. Ainsi, les notes de politique forestière façonnent le dialogue entre les pouvoirs publics et les partenaires de développement, définissent de nouveaux engagements et servent à élaborer des projets en Éthiopie, au Libéria, au Mozambique, au Népal et en République démocratique du Congo. Au Bangladesh, un Plan d’investissement pour une agriculture respectueuse du climat contribue à assurer une coordination de haut niveau entre les ministères.

Sur le terrain, les projets de l’IDA aident les populations à adopter des pratiques climato-intelligentes dans l’agriculture et l’occupation des sols. Au Burundi, notre projet de régénération des paysages et de résilience permet à des groupements d’agriculteurs de préserver la couche arable, de restaurer la fertilité des sols et de commencer à produire toute l’année des aliments riches en nutriments. Les agriculteurs peuvent désormais accéder à une palette plus large de semences et de semis pour la production de denrées alimentaires et de cultures fourragères, ainsi qu’à des arbres et des plantes stabilisatrices du sol afin de protéger leurs terres. En Éthiopie, dans la région d’Oromia, notre Fonds biocarbone pour la gestion durable des paysages forestiers aide les femmes à faire enregistrer leurs terres et à produire du café, tout en introduisant des pratiques climato-intelligentes qui stimulent la productivité.

Les instruments innovants et les guichets de financement spéciaux que nous avons créés dans le cadre de l’IDA-18 suscitent des actions transformatives dans le domaine climatique qui favorisent la résilience et une croissance sobre en carbone. Nous nous appuyons sur une combinaison d’approches nationales et régionales, en particulier en Afrique, qui compte désormais la majorité des pays clients de l’IDA. Au Nigéria, par exemple, le Mécanisme de financement complémentaire (SUF) de l’IDA soutient une approche globale de lutte contre l’érosion et de gestion des bassins hydrographiques. Dans toute l’Afrique de l’Ouest, les financements émanant du Programme régional de l’IDA mobilisent des capitaux privés pour le développement de parcs solaires, l’élaboration de projets de production d’électricité solaire à grande échelle et le renforcement des capacités techniques dans le cadre de notre « Business plan » pour le climat en Afrique (a).

L’IDA-18 contribue à l’expansion des énergies renouvelables dans nos pays clients, à la fois pour lutter contre le changement climatique et pour améliorer l’accès des pauvres à l’énergie. De juillet 2017 à septembre 2018, l’IDA a aidé ses pays clients à mobiliser des financements en vue d’accroître de 6,0 gigawatts la production d’énergie renouvelable, et de dépasser l’objectif de 5 GW. Au travers des prêts à l’appui des politiques de développement, l’IDA permet à des pays tels que le Rwanda d’intégrer la production d’énergie renouvelable dans leurs stratégies nationales.  Et grâce à son nouveau guichet dédié à la promotion du secteur privé (PSW), l’IDA a mis en place un mécanisme de partage des risques (50 millions de dollars) afin de porter les énergies renouvelables à plus grande échelle dans les îles du Pacifique. Dans le but d’attirer davantage de capitaux privés, l’IDA-18 aide sept pays africains à élaborer des notes d’information sur les perspectives d’investissement. Ces notes sont achevées pour le Cameroun et la Côte d’Ivoire et en cours d’élaboration pour le Bénin, le Kenya, Madagascar, le Malawi, le Niger et le Togo.

L’appui de l’IDA sera également essentiel pour aider les pays à parvenir aux objectifs qu’ils se sont fixés dans le cadre de l’accord de Paris ainsi qu’aux Objectifs de développement durable liés au climat. Nous intégrons les objectifs climatiques dans les diagnostics et cadres de partenariat (a) que nous élaborons pour chaque pays IDA, de sorte que nos projets et programmes tiennent compte des enjeux climatiques. Nous devons impérativement lever la menace que pose le changement climatique si nous voulons mettre fin à l’extrême pauvreté et accroître la prospérité dans les pays les plus pauvres.

Christin Calixte est membre de JFDD, dans le cadre de l’Initiative Jeunesse de lutte contre les changements climatiques.

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