Par Marie-Christine Bidault
Joyau du Brésil couvrant plus de 60% de sa superficie, la forêt amazonienne renferme 20% de la diversité biologique connue de la planète. Elle abrite en outre plus de 60 tribus autochtones isolées. Cette forêt primaire de 5.5 millions de km2 est un formidable puits de carbone produisant environ 6% de notre oxygène. L’Amazonie représente aussi des réserves de terres considérables. Elle perd, du fait de la déforestation, des milliers de km2 chaque année au nom du développement économique du Brésil.
La déforestation de l’Amazonie au cœur des enjeux climatiques
La déforestation est un problème environnemental crucial au Brésil. L’Amazonie brésilienne s’est réduite de 750 000 km2 entre 1970 et 2016. Le développement toujours plus important de l’agrobusiness est en cause, avec notamment l’élevage et les cultures d’exportation telles que le soja. Les activités minières et l’extension des villes en sont également responsables.
Les impacts climatiques au niveau régional et planétaire sont majeurs. Le Brésil, est le septième émetteur mondial de Gaz à Effet de Serre (GES) en importance. Il en devient le quatrième si on intègre le secteur UTCATF (utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie). Les tribus autochtones sont les premières victimes de la disparition de l’Amazonie.
Des politiques en faveur de la lutte contre la déforestation ancienne
Le Brésil s’est engagé depuis plus de 30 ans dans la lutte contre la déforestation. En 1988, l’Institut brésilien de recherches spatiales (INPE) lance le Programme de contrôle par satellite de la déforestation en Amazonie légale (PRODES). En 1989, le gouvernement crée l’Institut Brésilien de l’Environnement et des Ressources naturelles (IBAMA). Il lui confère des pouvoirs législatifs de police. Enfin, en 1992, le Sommet de la Terre de Rio est l’occasion d’instaurer un Ministère de l’Environnement.
Néanmoins, la déforestation de l’Amazonie se poursuit. Le véritable tournant s’opère dans les années 2000, avec l’accession au pouvoir de Lula. Celui-ci mobilise tous les outils régaliens à disposition à travers le Plan d’Action pour la Prévention et le Contrôle de la Déforestation de l’Amazonie légale (PPCDAm). Ce plan coordonne 14 Ministères, mobilise les États fédérés, les municipalités et la société civile. Le secteur privé de l’agroindustrie participe au mouvement avec la signature de moratoires sur le soja et le bœuf. Ceux-ci interdisent l’achat de produits provenant de terres déboisées illégalement.
En 2009, le Brésil annonce un objectif de réduction de 80% (par rapport à la période 1996-2005) du rythme de la déforestation. Même si tout n’est pas parfait avec des défrichements « légaux » toujours autorisés, les résultats sont là. Entre 2004 et 2014, la déforestation de l’Amazonie est passée de 27 772 à 5 012 km2 par an. Cela représente une baisse de 82% de la surface annuelle défrichée.
Une nouvelle donne avec un Président climato-sceptique
En 2016, Michel Temer signe la ratification de l’Accord de Paris. En janvier 2019, Jair Bolsonaro, président climato-sceptique, prend ses fonctions. Il applique alors une politique qui semble compromettre les chances du Brésil de respecter ses engagements en faveur du climat.
Si le Ministère de l’Environnement a été maintenu, celui a été dépossédé des sujets de la déforestation et du changement climatique sans qu’on les retrouve ailleurs. Le Ministère de l’Agriculture a hérité lui de nouvelles prérogatives telles que l’attribution des permis environnementaux, la délimitation de l’Amazonie légale ou la démarcation des terres indigènes. Le Ministre de l’Environnement a déclaré la guerre aux administrations chargées de verbaliser les atteintes à l’environnement comme l’IBAMA. Le montant des amendes a ainsi diminué. La quasi-totalité des directeurs régionaux de l’IBAMA ont été licenciés. Il ne reste aujourd’hui plus beaucoup de fonctionnaires pour faire appliquer les contraventions liées à la déforestation clandestine ou aux invasions de terres indigènes et de zones protégées.
Les positions présidentielles pro-agro-négoce ont encouragé les orpailleurs clandestins, qui continuent à brûler l’Amazonie en toute impunité pour laisser place aux cultures et aux pâturages. D’après l’INPE, la surface déboisée a été multipliée par deux en 2019.
Des pressions internationales inopérantes
Les européens ont fait pression sur le Brésil en s’opposant à l’accord commercial entre l’Union Européenne et le Mercosur si celui-ci ne respectait pas l’Accord de Paris. Le chef de l’État brésilien tient tête aux puissances étrangères et justifie l’évolution des politiques environnementales comme nécessaires pour l’économie. En septembre 2019, Jair Bolsonaro a affirmé devant l’Assemblée générale de l’ONU : « C’est une erreur de dire, comme l’attestent les scientifiques, que nos forêts sont le poumon du monde ». Selon lui, les forêts appartiennent aux pays qui la constituent et leur protection doit « respecter la souveraineté nationale ».
Le climat est devenu un enjeu planétaire et Jair Bolsonaro doit composer avec les intérêts économiques du Brésil. Trop de provocation, comme l’abandon de l’Accord de Paris, pourrait nuire aux exportations vers l’Europe. Compte tenu de leurs poids, il n’a toujours pas osé franchir le pas. Selon WWF, la forêt amazonienne a perdu 20% de sa surface en 50 ans. L’atteinte de ce seuil pourrait avoir des conséquences climatiques irréversibles. Il semble plus que jamais nécessaire de maintenir les politiques de préservation, qui bien que perfectibles, ont fait leurs preuves.
Marie-Christine Bidault
Ingénieur en Agriculture, Étudiante IRIS Sup