Prix, trophées ou « awards »… Avec l’avènement de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et la professionnalisation du secteur, de nombreuses récompenses ont fait leur apparition depuis une vingtaine d’années, analyse Youphil, repris par Vivafrik.
Il ne se passe pas une semaine, un mois, sans que les journalistes ne reçoivent dans leurs boîtes mails, déjà au bord de l’implosion, des communiqués de presse, annonçant des remises de prix pour récompenser des « entreprises vertueuses » dans le domaine de la RSE (la plupart précédées d’un cocktail pour appâter ledit journaliste, cela va sans dire…). Trophée RSE de la profession comptable, RSE awards, trophée national de l’entreprise citoyenne… Il existe une multitude de prix relatifs au développement durable.
Avec une prime aux plus entreprenantes: la plupart de ces prix nécessitent des entreprises qu’elles candidatent au préalable. Les jurys sont composés de professionnels du développement durable, directeurs RSE ou consultants, que l’on retrouve souvent d’un trophée à l’autre. Le développement durable est un petit « écosystème » qui a aussi ses personnalités favorites…
Chaque événement, salon ou soirée, semble devoir se conclure par une cérémonie de remise de prix. D’après Patrick Jolivet, manager reporting et études au sein du cabinet de conseil Utopies, « ces prix valorisent ceux qui les décernent et ceux qui les reçoivent. Cela flatte beaucoup les egos mais cela fait peu bouger le marché« .
Promouvoir les bonnes pratiques
Leur objectif est pourtant de créer une forme d’émulation. Ils ont pour point commun d’inciter les entreprises à s’améliorer en offrant une tribune à celles qui ont fait leurs preuves. C’est la logique de promotion des « bonnes pratiques »: la conviction que c’est par l’exemple que le monde de l’entreprise pourra devenir plus responsable. Mais les consommateurs sont très peu réceptifs aux politiques internes des entreprises. Et pour le grand public, difficile de concevoir qu’une entreprise puisse être récompensée pour ses efforts en matière sociale et environnementale quand celle-ci perpétue des pratiques moins avouables sur d’autres fronts.
Les ONG l’ont bien compris. C’est dans cette logique que les Prix Pinocchio décernés par l’association les Amis de la Terre ou les anciens Public Eye awards de la Déclaration de Berne et Greenpeace parodient ces moments d’auto-satisfecit. Ils décernent des prix de la honte aux entreprises, avec un impact médiatique bien souvent supérieur.
Des atouts de communication interne
Peu audibles du grand public et des consommateurs, les prix de la RSE s’inscrivent dans le cadre de démarches d’amélioration internes aux entreprises. « Les concours permettent de nous comparer aux autres. Ils nous aident à formaliser nos actions et à prendre du recul sur ce que nous faisons au quotidien« , témoigne Joël Tronchon, directeur développement durable du Groupe SEB. Ce dernier a été récompensé cette année par l’école de commerce ESSEC pour l’ensemble de sa politique RSE, qui inclut notamment le développement d’une filière de recyclage d’articles culinaires, la démarche d’éco-conception des aspirateurs Rowenta, l’élaboration d’un programme d’accompagnement nutritionnel et du prêt de produits dans les épiceries solidaires.
« Ce type de prix est très intéressant pour valoriser nos projets RSE en interne, qui dépendent beaucoup de l’implication des différents métiers« , poursuit-il. Difficile, pour autant, d’en quantifier l’apport économique. « C’est sûrement bon pour nos marques. Lors de la remise du prix, il y avait des distributeurs et des clients. Je pense que la RSE est aussi un terrain d’expérimentation neutre qui nous permet d’améliorer nos relations avec nos clients de la grande distribution« , conclut Joël Tronchon.
Les trophées et les prix RSE seraient donc la cerise sur les politiques durables des entreprises. Mais l’obtention d’un label ou d’une norme, certifiés de façon indépendante, renseigne mieux sur les performances sociales et environnementales d’une entreprise. « Dans le monde du reporting, ce qui compte, c’est d’obtenir les meilleures notes des agences et d’être retenu dans les grands indices de développement durable« , explique Patrick Jolivet. Des indices boursiers très suivis par les investisseurs, que convoitent en effet davantage les responsables développement durable des grandes entreprises.
Par Saër SY