70 pays sont réunis à Paris pour discuter, notamment, de l’ambition de l’accord de Paris et de son calendrier. Depuis dimanche et jusqu’à mardi se tient une «pré-Cop» à Paris, à trois semaines de la COP21, la conférence climat de l’ONU. Une sorte de«répétition générale», pour donner un «élan politique» et «faciliter ce qui devra être l’accord final», selon les mots du ministre des Affaires étrangères et futur président de la COP21, Laurent Fabius, écrit Libération, repris par Vivafrik.
La grand-messe onusienne, qui aura lieu au Bourget du 30 novembre au 11 décembre, doit accoucher de l’accord de Paris, un texte global et contraignant qui vise à contenir le réchauffement planétaire sous le seuil des 2 degrés d’augmentation moyenne par rapport à l’ère préindustrielle. Au-delà, ce sont de nombreux écosystèmes et économies qui sont menacés, prédisent les scientifiques. Mais les divergences des 195 pays signataires de la convention de l’ONU sur le climat (CCNUCC) sont nombreuses et le texte de 55 pages issu de la dernière session de négociations intermédiaires, à Bonn en Allemagne, n’a pas tranché de nombreuses options contradictoires.
La pré-COP, c’est quoi ?
Les réunions pré-Cop «sont quasiment systématiques en amont des COP», explique Céline Ramstein, chef de projet COP21 à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
Il s’agit d’une réunion dite «ministérielle informelle» : les ministres de l’Environnement, et/ou de l’Energie (ou ministres du Pétrole dans la plupart des pays pétroliers) se retrouvent pour apprivoiser le texte de la Conférence des parties (COP) à venir. Dans ce cas, il s’agit de mieux maîtriser le texte du futur accord de Paris et de discuter des compromis possibles. Jusqu’ici, hors des consultations ministérielles informelles (en juillet et en septembre), seules les délégations envoyées par chaque pays ont négocié aux différentes sessions intermédiaires.
Qui assiste à cette pré-COP ?
Depuis dimanche, près de 70 représentants des pays, dont une soixantaine de ministres, ont fait le déplacement au centre de conférence du ministère des Affaires étrangères, dans le XVe arrondissement de Paris. «Tous les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre seront représentés, parmi lesquels les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, l’Union européenne et plusieurs de ses membres, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Indonésie, la Russie, l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe, lit-on sur le site du Quai d’Orsay. De nombreux pays particulièrement vulnérables au changement climatique, comme le Bangladesh, les petits Etats insulaires en développement ou encore le Niger, sont également invités.»
En d’autres termes, tous les grands groupes des négociations climat sont représentés : le G77+Chine, les grands émergents, les pays pétroliers, les pays les moins avancés, les îles menacées par la montée des eaux, etc.
Si ces pré-Cop sont habituelles, «60 ministres, c’est un très bon score, reconnaît Céline Ramstein, de l’Iddri. Tout comme le nombre de chefs d’Etat qui ont confirmé leur présence au premier jour de la COP21 à Paris : ça montre un engagement fort au plus haut niveau».
De quoi parlent-ils ?
Après avoir reçu des représentants de la société civile dimanche matin, puis s’être réunis en assemblée plénière dans l’après-midi, les ministres ou leurs représentants devaient ce lundi entrer dans le cœur des sujets. Ils se sont divisés en quatre groupes de travail, correspondants aux quatre thèmes mis à l’ordre du jour de cette pré-COP.
D’abord, l’ambition de l’accord : pour assurer cette limite des deux degrés d’augmentation maximum (voire de 1,5 degré notamment, poussée par les pays les plus vulnérables), que faut-il viser à long terme ? Les positions des pays varient, entre autres, entre l’objectif 100% énergies renouvelables, la neutralité carbone, le pic d’émissions globales de gaz à effet de serre fixé à une année donnée, ou des pourcentages de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.
Il faut également décider du calendrier : pour cet accord de Paris qui doit entrer en vigueur en 2020, parle-t-on à l’horizon 2050 ou 2100 ? Et quels mécanismes mettre en place pour renforcer l’ambition des Etats ? Pour l’instant, les propositions de réductions d’émissions de gaz à effet de serre mises sur la table par les pays sont insuffisantes et mettent la planète sur une trajectoire de +3 degrés voire +3,5 degrés, selon le Programme des Nations unies pour l’Environnement.
Un autre groupe de travail doit plancher sur l’équité et, avec elle,l’épineuse question de la différenciation. «Un sujet fondamental et transversal», commente Céline Ramstein : pour aboutir à un accord juste et équitable, il faut demander à chaque pays des efforts adaptés à ses capacités, notamment économiques, et à ses responsabilités. D’un côté, les pays industrialisés, émetteurs historiques de gaz à effet de serre. De l’autre, les pays les plus pauvres, également les plus vulnérables, qui ont une responsabilité très faible dans le changement climatique. Les pays les moins avancés, qui représentent 15% de la population mondiale, ne produisent que 5% des émissions.
Les deux derniers groupes de travail doivent discuter des actions à mener avant 2020, des financements à mobiliser, et surtout de l’aide financière des pays du Nord envers ceux du Sud pour financer leurs politiques climatiques après 2020. Des points clé qui feront le succès ou l’échec de la COP21. Le ministre français des Affaires étrangères doit présenter les conclusions de ces travaux mardi midi.
Certains pays et experts ont cependant été surpris de l’absence de discussion, lors de cette pré-COP, sur l’aspect juridique du futur accord de Paris. Depuis des mois, la forme légale de l’accord et son degré de contrainte juridique sont mis de côté par les négociateurs parce qu’il s’agit d’une décision politique centrale. Dans le brouillon du texte issu des dernières discussions de Bonn, pour chaque décision d’importance figurent des «shall» et des «should» («doit» et «devrait»), qui détermineront le degré de contrainte légale de l’accord. La première discussion sur ce point ultra-essentiel de l’accord de Paris n’aura donc pas lieu avant la COP21.
Vont-ils avancer sur le texte de Paris ?
Non, les ministres présents ne sont pas là pour négocier les virgules et les crochets du brouillon d’accord. «Il ne s’agit pas de renégocier le texte issu de la dernière réunion de Bonn, c’est bien celui-là qui sera sur la table à Paris, a précisé Laurent Fabius en conférence de presse. Mais il contient encore de nombreuses options. Il s’agit de trouver un accord sur le plus grand nombre d’options possibles.»
Cette pré-COP est à la fois une façon de chercher des points de compromis politiques en amont de la grande conférence de décembre. Mais surtout, de donner aux ministres, qui prendront la main sur le texte la deuxième semaine de la COP21 (après les négociateurs habituels la première semaine), la possibilité de mieux comprendre les différentes options de ce texte illisible et aux options complexes. «C’est important qu’ils puissent se parler à haut niveau, estime Céline Ramstein. Pour certains, c’est la première fois, notamment du fait des jeux électoraux. Mais quand bien même ils trouveraient des points de consensus, ils ne toucheront en aucun cas au texte.»
Pour appuyer l’urgence d’un accord ambitieux à Paris, plusieurs rapports alarmants sont sortis ces derniers jours. Une étude de l’institut américain Climate Central, publiée dimanche, affirme que, sous l’effet du dérèglement climatique, de grandes villes comme Shanghai, Bombay et Hongkong, sont vouées, à long terme, à partiellement disparaître sous les eaux, même si le monde parvient à limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés.
Un rapport de la Banque Mondiale montre, lui, que la planète comptera 100 millions de personnes supplémentaires vivant dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030 si aucune action n’est prise pour limiter l’impact du réchauffement. Enfin, ce lundi, le rapport annuel de l’Organisation météorologique mondiale, une agence de l’ONU basée à Genève, indique que le niveau de concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère a atteint un nouveau record en 2014 (397,7 parties par million). Selon Michel Jarraud, le directeur de l’OMM, «Nous avançons en territoire inconnu et la machine s’emballe à un rythme effrayant.»