À la COP26, des engagements pris en faveur des forêts

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Des engagements forts ont été pris lors de la COP26, notamment en faveur de la lutte contre la déforestation. Nous attendons toutefois de voir ce qui sera fait.

Par Théophane Le Méné               

Alors que certains craignaient que la COP26 à Glasgow soit une nouvelle grand-messe où les louanges remplacent les actes, d’importantes décisions ont été prises, parmi lesquelles celles de mettre fin à la déforestation dans le monde et de réduire les émissions de méthane. Cela signifie prendre en compte la richesse des écosystèmes forestiers et de la biodiversité qu’elles recèlent. Nous devons toutefois tempérer notre enthousiasme : des paroles aux actes, voyons ce qui sera réellement réalisé. Et tâchons de comprendre ce que signifie véritablement mettre fin à la déforestation.

Une centaine d’États s’engage à mettre fin à la déforestation en 2030

Nous pouvons voir le verre d’eau à moitié vide : 2030, c’est loin et cela autorise, comme le dit Greenpeace, une nouvelle décennie de déforestation. Nous pouvons aussi regarder le verre à moitié plein : c’est une avancée majeure dans la lutte contre la déforestation et pour la protection des forêts dans le monde. Car ce sont quelque 110 pays qui se sont engagés à mettre fin au recul des forêts, représentant plus de 85% de la surface des forêts mondiales.

Certes, la Déclaration de New York sur les forêts avait déjà fixé cet objectif en 2014, mais seuls 40 États l’avaient alors signée. Aujourd’hui, le Brésil, la Russie et la Chine ont rejoint le mouvement et National Geographic avance même le chiffre de 131 États signataires, représentant 90% de la surface forestière mondiale.

Il est toutefois logique de rester attentif à la mise en place de cet accord, car l’acquiescement du Brésil peut étonner, et la reculade presque immédiate de l’Indonésie laisse craindre que l’accord ait été formulé de manière trop floue ou que la marche semble trop haute à franchir pour certains.

Déforestation, gestion durable des forêts : le flou dans les termes

Pour expliquer pourquoi elle s’est rebiffée au lendemain de sa signature, l’Indonésie a évoqué une incompréhension dans les termes. Elle ne souhaite pas totalement mettre fin à sa déforestation mais s’engager dans un processus de gestion durable de ses forêts. La nuance est ténue mais donne jour aux problèmes que pose une mondialisation des pratiques. En effet, les méthodes occidentales d’exploitation des terres et des forêts ont été importées dans le monde entier, alors même que les problématiques ne sont pas semblables et qu’il n’est généralement pas possible de calquer un modèle valable sous des climats tempérés dans des régions tropicales ou boréales.

Qu’est-ce que la déforestation ?

Déforester se dit d’une pratique vouant une forêt à disparaître au profit d’une culture céréalière, de la mise en pâture des terres, de leur urbanisation, de l’extraction de minerais, ou de tout ce qui vise à supplanter la forêt existante. Mais l’Indonésie semble vouloir poursuivre l’abattage d’une partie de sa forêt primaire au profit de plantations plus économiquement rentables à court terme. À ce titre, le recyclage de terres sur lesquelles pousse la forêt primaire pour en faire des terres de culture de palmiers à huile doit-il être considéré comme de la déforestation ? On pourra toujours arguer que l’on remplace des arbres par des arbres, donc que ce n’est pas de la déforestation. Pourtant, une plantation de palmiers à huile abrite une biodiversité immensément moins riche qu’une forêt tropicale et ne stocke pas autant de CO2. Outre cela, le palmier à huile est considéré par les botanistes comme une plante, non comme un arbre, il est donc tout à fait discutable de considérer des alignements de palmiers à huile comme équivalant à une forêt.

L’importance du mode de gestion forestière         

Nous comprenons donc que le mode de gestion des forêts est primordial et qu’il s’agit davantage de s’intéresser à la qualité des plantations d’arbres qu’à leur quantité. À nombre d’arbres équivalent, la richesse du vivant n’est pas la même, suivant la complexité de l’écosystème. Il est toutefois également de notre responsabilité d’œuvrer à la réduction de la déforestation des forêts tropicales. Comment ? En faisant attention à notre consommation. En réduisant par exemple nos importations d’huile de palme ou de biocarburants qui n’ont de bio que le nom en ce qu’ils poussent à l’exploitation de milliers d’hectares de terres à travers le monde, qui ont été arrachées aux forêts ou à une agriculture vivrière. L’Union européenne s’est ainsi engagée à prendre des mesures législatives pour ne laisser entrer sur son territoire que des produits dont la provenance est vertueuse.

La protection des forêts du Bassin du Congo

L’accord qui a été signé pour mettre fin à la déforestation de la deuxième plus grande forêt primaire du monde, celle du Bassin du Congo, prouve que les États occidentaux peuvent mener des actions très concrètes pour enrayer la perte des forêts mondiales. Ainsi, 1,5 milliard de dollars ont été alloués à la protection de cette forêt. Dans le Bassin du Congo, les arbres sont très importants pour absorber le CO2 mais pas uniquement : de nombreuses tourbières y sont présentes, qu’il faut absolument protéger. Celles-ci couvrent 4% de la surface boisée du bassin et contiennent autant de CO2 que les 96% de surfaces qui les entourent.

Par ailleurs, une partie des aides sera allouée aux populations indigènes, afin de leur permettre de vivre en se passant, dans l’immédiat, des ressources boisées dont elles tiraient un bénéfice quotidien, mais aussi afin de les impliquer dans la protection de cette ressource dont le monde entier a besoin.

Un engagement historique dans la lutte contre les émissions de méthane

Non seulement nous pouvons nous féliciter que l’accord sur la fin de la déforestation ait été signé très rapidement, dès les premiers jours de l’ouverture du sommet de la COP26, ce qui prouve l’importance de ce sujet et qu’il n’est pas pris à la légère par les instances gouvernementales mondiales, mais nous devons également mettre en avant un engagement historique : celui qui a été pris par 105 États de réduire de 30% leurs émissions de méthane d’ici à 2030.

Après le dioxyde de carbone, le méthane est le deuxième gaz responsable du réchauffement climatique par son action d’effet de serre lorsqu’il est relargué dans l’atmosphère. Il a contribué à près d’un tiers du réchauffement climatique, estime Marielle Saunois, enseignante-chercheuse au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement et coordinatrice de l’inventaire mondial du méthane. Cette réduction passe par une meilleure maîtrise du traitement de nos déchets, par une agriculture plus respectueuse des sols, par des élevages de bovins plus attentifs à la nourriture qui leur est donnée et, pour les pays qui extraient de l’énergie fossile, c’est aussi un point auquel elles devront être attentives. Contrairement au CO2, le pouvoir réchauffant du méthane provient presque entièrement d’émissions récentes qu’il est beaucoup plus simple de capter que celles de dioxyde de carbone. Le moyen le plus aisé d’influer sur le réchauffement atmosphérique est aujourd’hui d’absorber et de freiner les émissions de méthane.

Les forêts sont indispensables à la vie sur Terre

Dans tous les cas, notre travail en faveur d’une gestion forestière durable est une manière de stocker à long terme le CO2 et de freiner les émissions de méthane, car les sols forestiers sont également un puits de méthane. Rappelons que les forêts absorbent 30% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, procurent nourriture, médicaments et moyens de subsistance à plus d’un milliard et demi de personnes, et qu’elles abritent 80% de la biodiversité mondiale.

Or, la biodiversité mondiale est en danger, et 1 million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées de disparition sur la terre et dans les mers. Selon la récente étude des experts sur l’état de la biodiversité mondiale, 75% de l’environnement terrestre de notre planète est gravement altéré. Il est temps d’œuvrer à sa reconstitution. C’est le travail que nous menons jour après jour.

Théophane Le Méné, Directeur général de l’entreprise ECOTREE.

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