Alors que l’humanité est devenue « une arme d’extinction massive », selon le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, au menu de la COP15 sur la biodiversité qui s’est ouverte le 7 et se déroulera jusqu’au 19 décembre 2022 à Montréal au Canada, il sera question d’extinction massive, de génocide, de suicide.
La COP sur la biodiversité rassemble des scientifiques, des représentants de la société civile, et les négociateurs de 196 pays différents. Elle aurait dû avoir lieu en Chine en 2020 mais la crise du Covid-19, la guerre en Ukraine et la crise énergétique obligent, elle a été reportée et finalement déplacée au Canada.
« Aujourd’hui nous ne sommes pas en harmonie avec la nature, au contraire nous jouons une mélodie bien différente » résumait Antonio Guterres, décrivant une « cacophonie du chaos jouée avec des instruments de destructions ». La mélodie de la sixième extinction devrait alarmer les chefs d’orchestre. Partir du constat scientifique qu’est celui d’une sixième extinction massive en cours, pour aller vers un terrain de discussion aux deux pans.
Elle se passe dans une période charnière, une décennie décisive si on veut conserver des conditions de vie soutenables pour l’humanité. Comme en 2015 à la COP21 pour le climat à Paris, elle pourrait déboucher sur des décisions historiques pour arrêter cette perte incessante de diversité biologique.
« C’est une conférence importante car elle vise à établir un nouveau cadre mondial pour la biodiversité pour les 10 prochaines années. Le cadre va définir les ambitions et les actions qui auront un impact direct sur la nature. Les scientifiques et les organisations de défense de l’environnement sont sur la même longueur d’onde, d’ici à 2030, 30% des terres et des océans, mais aussi des eaux douces de la planète comme les lacs ou les rivières doivent être efficacement protégés pour que les écosystèmes restent stables », a affirmé Déborah Van Tournhout, la porte-parole du WWF Belgique.
Aujourd’hui, selon certains experts, seuls 17% des terres et de 8 à 10% des mers, le seraient. Et la porte-parole du WWF de poursuivre : « les 70% restants doivent être gérés et restaurés de manière durable en s’attaquant aux causes de la perte de nature ».
Un million, c’est le nombre d’espèces actuellement menacées d’extinction et qu’il faudrait préserver pour éviter l’avalanche de conséquences dramatiques que craint Antonio Guterres.
Un bilan catastrophique pour la biodiversité
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : on assiste à une perte massive de 69% dans les populations de vertébrés au cours de ces 50 dernières années, a-t-on appris de du dernier rapport 2022 du WWF, intitulé « Planète vivante ». En outre, entre 86 et 150 millions de tonnes de plastique se sont accumulés dans les océans et le rythme s’accélère. Chaque année, nous perdons environ 10 millions d’hectares de forêt, soit la superficie du Portugal, et plus de 43 millions de forêts tropicales ont été déboisées ces 20 dernières années, a déploré le texte.
Une personne sur 5 dépend des plantes sauvages, des algues et des champignons pour se nourrir, a pour sa part précisé le récent rapport de l’ONU au moment où le Programme des Nations-unies pour l’environnement (UNEP) estime qu’un tiers de la production alimentaire mondiale dépend des pollinisateurs (abeilles,…) qui assurent la pollinisation de trois quarts de nos cultures.
La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), (le GIEC de la Biodiversité), a affirmé que « si on ne fait rien, près d’un million d’espèces pourraient avoir disparu d’ici à la fin du siècle.
Protéger la biodiversité est devenu une urgence qui nous concerne toutes et tous, cela aura un impact sur nos moyens de subsistance et nos économies, a renchéri la plateforme.
Financer la protection de la biodiversité, un enjeu
Comme à la COP27 sur le climat, l’enjeu sera aussi financier, il faudrait mettre en place un plan de financement international pour protéger la biodiversité. Et comme pour le climat, la question divise les pays riches où l’environnement se dégrade et les pays plus pauvres, où se trouvent les espaces naturels les plus riches en diversité biologique et qui ne participe pas à cette grosse empreinte écologique.
« Nous demandons aux pays riches d’augmenter les financements y compris les financements publics internationaux vers les pays du Sud. Il faut aligner ces flux financiers publics et privés pour privilégier des pratiques qui soient favorables à la nature et reconvertir les subventions de pratiques qui ont des effets néfastes sur la nature (comme pour les pesticides ou pour les énergies fossiles par exemple). Il y a un déficit de 700 milliards de dollars par an pour financer la biodiversité mondiale. Qui acceptera de payer ? C’est tout l’enjeu », a commenté la porte-parole du WWF Belgique, ajoutant que l’inaction coûte plus cher que l’action.
L’objectif de la conférence est d’inverser la courbe de perte de la nature d’ici à la fin de la décennie. La Belgique va devoir aussi prendre des mesures pour atteindre ces objectifs mondiaux. Elle doit élaborer une stratégie et mettre en œuvre un plan d’action national, pour inverser la courbe au niveau local mais aussi dans les zones d’approvisionnement à l’étranger d’ici à 2030. Et cela demandera des moyens.
Au niveau européen, une nouvelle législation sur la restauration de la nature est sur les rails avec de futurs objectifs contraignants pour les États membres. De quoi ramener de la nature sur notre vieux continent.
Moctar FICOU / VivAfrik


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