Non accessibilité des femmes au foncier : la souveraineté alimentaire comprise !

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Par Fatou Ndiaye

Après plusieurs projets et programmes qui n’ont pas donné des résultats satisfaisants, le Sénégal s’est encore engagé dans la voie d’une souveraineté alimentaire. Sous la direction du ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rurale, Aly Ngouille Ndiaye, diverses stratégies sont mises en œuvre afin d’arriver à ce résultat. Cependant, la faible implication des femmes (52% de la population) aux activités agricoles, peut être nuisible à ce projet. Ces dernières, très importante dans la production vivrière, ne disposent pas très souvent de terres pour mener convenablement leurs activités, alors que la majorité des femmes vivent dans le monde rural. 

Le Sénégal s’est engagé encore une fois dans une politique d’atteinte de sa souveraineté alimentaire. Sous la direction du ministère de l’Agriculture et de l’Equipement rural, les autorités en charge d’atteindre cet objectif, multiplient les rencontres, affinent les réponses. Toutefois, il ne semble pas trop de dire que ce nouveau souhait de l’Etat risque de subir le même sort que les anciens efforts fournis pour que le Sénégalais puisse produire ce qu’il consomme. En effet, arriver à une autosuffisance alimentaire mérite que de nombreux écueils soient levés ; parmi ceux-ci figure le fait de donner la possibilité aux femmes de mener convenablement leurs activités agricoles.

Ce qui n’est pas possible, pour le moment, car elles n’ont pas accès au foncier. Alors que le contexte de cherté des prix notamment des denrées alimentaires, à cause de la guerre en Ukraine, mettant à nu la vulnérabilité des pays pauvres et en développement, surtout en Afrique qui dépend de l’extérieur pour se nourrir malgré son énorme réserve de terres arables, n’épargne pas le Sénégal qui, un peu plus d’un mois, a accueilli le deuxième sommet de Dakar sur la Souveraineté alimentaire et la Résilience (Dakar II, du 25 au 27 janvier 2023), organisé sous le thème « Nourrir l’Afrique : souveraineté alimentaire et résilience ».

L’Etude sur la Contribution de l’entreprenariat et du leadership féminins à la valeur ajoutée de l’économie sénégalaise d’Onu-Femmes, publiée en août 2022 et réalisée par la Direction des Statistiques économiques et de la comptabilité nationale (DSECN) de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), montre que les femmes qui s’activent dans l’agriculture informelle occupent 11.242 parcelles, soit 15,7% du nombre total. Selon toujours les données de cette enquête, les femmes sont plus représentées dans les cultures de fruits, avec un pourcentage de détention de parcelle de 55,9%. Dans les autres types de culture, une part prépondérante des hommes (88,0%) est notée notamment sur l’arachide et autres cultures d’oléagineux (sauf graine de coton). Ceci ne fait qu’attester la difficulté qu’elles ont à accéder à la terre.

Des organisations comme l’Initiative prospective agricole et rurale (IPAR) ou encore l’’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (CICODEV Afrique), une association sénégalaise active dans la promotion d’un mouvement de citoyens-consommateurs conscients de l’impact de leurs choix de consommation sur le commerce, l’environnement et le développement, fustigent ce déséquilibre. Selon CICODEV, avec 52% de femmes au Sénégal, seuls 11% ont accès à des terres. CICODEV qui milite pour plus d’accès des femmes à la terre, en initiant la campagne « Stand for her land » (Debout pour les droits fonciers des femmes, en anglais).

Avec seuls 11% d’accès à des terres, les femmes contribuent à hauteur de 458,4 milliards de FCFA de valeur ajoutée ; soit 27,3% de la richesse créée dans le secteur agricole

L’enquête sur la Contribution de l’entreprenariat et du leadership féminins à la valeur ajoutée de l’économie sénégalaise d’Onu-Femmes signale qu’en milieu rural, elles dirigent de plus en plus leurs propres entreprises. Et pourtant, leurs apports socio-économiques et leur potentiel de création d’entreprises demeurent largement non reconnus et inexploités. Elles sont concentrées dans des activités de très petite taille, de faible productivité, de faible rendement et opérant dans l’économie informelle. Selon toujours l’enquête, dans le secteur agricole informel au sens large, les femmes contribuent à hauteur de 458,4 milliards de FCFA, en termes de valeur ajoutée ; soit 27,3% de la richesse créée dans ce secteur.

Au Sénégal, la petite de terre dont disposent les femmes, n’est souvent pas de bonne qualité. Elles occupent des parcelles déjà utilisées et peu productives. La salinisation des terres portent atteinte à leurs activités dans la région de Fatick et en Casamance. Dans la zone des Niayes, la prédation foncière réduit leur chance d’avoir un lopin de terre. Elles louent ou empruntent des surfaces cultivables. Dans la Vallée du Fleuve Sénégal, elles ne sont pas aussi mieux loties. Elles peinent à s’imposer, face à la rude concurrence des firmes agricoles. Alors qu’elles n’ont accès qu’à une infirme partie du foncier, les femmes ne parviennent à exploiter la terre qu’à travers des groupements.

Cheffes de ménages à qui revient la charge de bouillir la marmite dans beaucoup de zones, c’est à peine qu’elles arrivent à sortir la tête de l’eau. La survie au Sénégal est fortement dépendante des exploitations familiales dont les tenanciers sont parfois des femmes. Ce mode d’agriculture, confronté à plusieurs difficultés, tend à disparaitre. Tous ces facteurs, parmi tant d’autres, font qu’il est difficile d’envisager un Sénégal où les produits de la consommation quotidienne proviendraient entièrement et exclusivement de la récolte des producteurs locaux. 

Fatou Ndiaye, Journaliste

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