Climat : Le secteur minier face à ses défis de décarbonation et à ses émissions croissantes

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Malgré les efforts entrepris pour réduire les émissions de carbone dans leurs processus de production, les compagnies minières peinent à atteindre les objectifs climatiques fixés. Un rapport récent de la société d’analyse dss+ met en lumière un retard préoccupant dans le secteur, tout en soulignant plusieurs obstacles à la décarbonation. Ce retard pourrait mettre les entreprises minières 40 % en dessous de l’objectif nécessaire pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici à 2030, selon l’Accord de Paris.

Le fossé grandissant entre les objectifs et les résultats

Le rapport de dss+, intitulé Decarbonising mining in an era of growing demand for critical metals and minerals, a analysé les progrès réalisés par 52 sociétés minières entre 2018 et 2021. Selon les résultats, les entreprises ont réduit leurs émissions à un rythme moyen de 2 % par an, un taux bien inférieur aux 4,5 % nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques du secteur. Bien que ce taux de réduction reste en place aujourd’hui, il est insuffisant pour garantir la conformité aux objectifs de l’Accord de Paris, créant un écart inquiétant entre les ambitions affichées et les résultats réels.

Les raisons de ce retard : des défis structurels et une mauvaise prise en compte des émissions de Scope 3

Plusieurs facteurs expliquent ce retard. Parmi eux, la baisse de la qualité des minerais extraits, qui oblige les exploitants à intensifier leurs efforts d’extraction, augmentant ainsi la consommation d’énergie, notamment pour la ventilation et le refroidissement des mines profondes. De plus, un autre défi majeur réside dans le suivi des émissions, en particulier celles dites Scope 3. Ces émissions incluent celles générées par le transport ou la transformation des ressources en aval, et représentent jusqu’à 60 % des gaz à effet de serre émis par le secteur minier. Pourtant, ces émissions sont encore largement ignorées dans les stratégies de décarbonation des compagnies.

Les dirigeants d’entreprises interrogés par dss+ mentionnent également d’autres obstacles majeurs : des décisions fragmentées entre les différents sites miniers, un suivi insuffisant des émissions, et des politiques publiques peu incitatives pour soutenir les investissements dans des technologies propres et durables.

Des données alarmantes sur les émissions du secteur minier

Ce rapport n’est pas le seul à souligner le retard du secteur minier en matière de décarbonation. Certaines entreprises elles-mêmes ont publié des chiffres inquiétants sur leurs émissions. Rio Tinto, par exemple, a annoncé des émissions de Scope 1 et 2 de 32,6 mégatonnes en 2023, contre 32,7 mégatonnes en 2022, montrant ainsi une stagnation dans la réduction des émissions. BHP a également enregistré une légère hausse de ses émissions, passant de 9,1 mégatonnes en 2023 à 9,2 mégatonnes en 2024.

En outre, des rapports d’organisations comme la Société financière internationale (IFC) soulignent l’impasse dans laquelle se trouve l’industrie minière : elle doit répondre à une demande croissante de métaux critiques pour la transition énergétique, notamment le cuivre et le nickel, tout en réduisant ses émissions. L’IFC estime que la production de ces métaux devra augmenter de 200 à 300 % d’ici 2050 pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux, mais cela pourrait doubler les émissions de CO₂ de leurs chaînes de valeur.

Vers une décarbonation accélérée : des solutions pour le secteur minier

Face à ces défis, des solutions commencent à émerger pour accélérer la décarbonation du secteur et répondre aux exigences climatiques mondiales. Dss+ recommande une plus grande transparence dans la déclaration des émissions annuelles, en mettant l’accent sur les émissions de Scope 3. Le cabinet propose également l’élaboration de plans de décarbonation plus structurés, l’amélioration de l’approvisionnement énergétique et l’adoption d’une tarification interne du carbone. Cette dernière, selon dss+, inciterait les entreprises à réduire leurs émissions en attribuant un coût virtuel aux émissions de CO₂ et en optimisant les décisions financières.

Ces recommandations rejoignent celles de l’IFC pour réduire de 90 % les émissions du secteur du cuivre et du nickel d’ici 2050, en transformant leurs chaînes de valeur. Parmi les propositions figurent l’adoption des énergies renouvelables, l’électrification des équipements, l’optimisation des processus pour améliorer l’efficacité énergétique, et l’automatisation et la numérisation pour réduire les inefficacités. La gestion proactive des émissions résiduelles, via des compensations carbone et des technologies de capture de CO₂, est également essentielle, de même que la collaboration entre entreprises, gouvernements et investisseurs.

Un secteur clé pour la transition énergétique mondiale, mais trop émetteur

Le secteur minier reste l’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au monde, représentant entre 4 et 7 % des émissions mondiales directes de CO₂. Lorsque l’on inclut les émissions de Scope 3, ce chiffre atteint 28 % des émissions mondiales, soit 19 440 mégatonnes de CO₂. La réussite de la décarbonation du secteur minier dépendra de l’engagement des entreprises à surmonter les obstacles structurels et financiers et de l’implication des décideurs politiques pour soutenir la transition vers une industrie plus verte et plus durable.

Moctar FICOU / VivAfrik

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