La nouvelle loi sud-africaine sur l’expropriation foncière sans compensation suscite une vive réaction de Donald Trump, qui menace de couper l’aide américaine. Une décision qui pourrait affecter les relations entre Washington et Pretoria.
Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a promulgué, jeudi 23 janvier 2025, une loi très attendue autorisant l’expropriation foncière sans compensation. Moins de deux semaines plus tard, le président américain Donald Trump a vivement critiqué cette réforme, dénonçant une atteinte aux droits de l’homme et menaçant de suspendre toute aide financière des États-Unis à Pretoria.
Trump dénonce une violation des droits de l’homme et brandit des sanctions
Dans un message publié le dimanche 2 février sur son réseau social « Truth Social », Donald Trump a fustigé la réforme sud-africaine, affirmant que le gouvernement de Pretoria procédait à des expropriations injustifiées et à un traitement « très mauvais » envers « certaines catégories de personnes ».
« Une violation massive des droits de l’homme est en train de se produire sous les yeux de tous. Les États-Unis ne resteront pas passifs et prendront des mesures », a-t-il déclaré. Il a ajouté que « je suspendrai tout financement à l’Afrique du Sud tant qu’une enquête complète sur cette situation n’aura pas été menée ».
Ce n’est pas la première fois que Donald Trump s’attaque à la politique foncière sud-africaine. En 2018, il avait déjà affirmé – à tort – qu’un « massacre de fermiers blancs » était en cours en Afrique du Sud, appelant à une enquête de son administration. Ramaphosa avait fermement rejeté ces accusations à l’époque.
Un enjeu historique et une réforme attendue
La question foncière en Afrique du Sud est un sujet hautement sensible. Plus de 30 ans après la fin officielle de l’apartheid, la répartition des terres reste profondément inégale : alors que 81 % de la population est noire, elle ne possède que 4 % des terres agricoles, tandis que la minorité blanche, qui représente 8 % de la population, en détient environ 72 %.
Pour répondre à cette inégalité historique, le gouvernement de Cyril Ramaphosa a signé la loi d’expropriation foncière sans compensation le 23 janvier 2025. Cette nouvelle législation remplace un texte datant de 1975 et permet aux autorités locales, provinciales ou nationales de réquisitionner des terres dans l’intérêt public, notamment pour favoriser une meilleure inclusion sociale et un accès élargi aux ressources naturelles.
Le gouvernement sud-africain insiste cependant sur le fait que l’expropriation ne sera pas arbitraire. « Elle doit répondre à un objectif d’intérêt public ou d’utilité publique et ne peut être mise en œuvre qu’après avoir tenté une négociation amiable avec le propriétaire concerné ».
Vers une détérioration des relations entre Washington et Pretoria ?
Jusqu’à présent, le gouvernement sud-africain n’a pas officiellement répondu aux menaces de Donald Trump. Toutefois, cette nouvelle déclaration risque de tendre encore davantage les relations diplomatiques entre les deux pays.
Les États-Unis sont un partenaire économique clé de l’Afrique du Sud. En 2023, les échanges commerciaux entre les deux nations ont atteint 21 milliards de dollars, selon les données de Trademap. Par ailleurs, entre 2004 et 2022, Pretoria a bénéficié de plus de 7,25 milliards de dollars d’aides américaines, principalement via le programme PEPFAR (Plan présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le sida) et divers programmes de l’USAID en faveur des PME, de l’éducation et de la lutte contre les violences sexistes.
Outre la controverse sur la réforme foncière, un autre sujet de tension se profile : la volonté des BRICS de créer une monnaie alternative au dollar. Donald Trump a récemment menacé d’augmenter les taxes douanières pour tout pays qui rejoindrait ce projet. Une pression supplémentaire sur Cyril Ramaphosa, qui devra jongler entre les intérêts économiques de son pays et ses engagements au sein du bloc des BRICS.
Moctar FICOU / VivAfrik