Samy Badibanga député congolais : « le monde a besoin de l’Afrique pour limiter le changement climatique »

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Le député congolais Samy Badibanga livre son point de vue et ses attentes de la COP 21, depuis Kinshasa, capitale du « deuxième poumon de la planète » où est censé se dérouler une élection présidentielle en 2016.

La COP 21 doit faire date. C’est le modèle économique mondial qui va changer. Pour réussir, il faut donner une gouvernance participative au développement durable. Sans cela, de nombreux pays en développement, où vit la majorité de la population mondiale, en proie aux sécheresses, aux inondations et à l‘insécurité alimentaire, seront sans doute écartés ou auto-exclus du nouveau modèle de développement. Ce qui mettra en péril toute la transition écologique mondiale.

Prenons l’Afrique. Si elle a besoin du reste du monde, le monde a besoin de l’Afrique pour limiter le changement climatique. La République démocratique du Congo (RDC), par exemple, n’est pas qu’une immense réserve de ressources minières pour la production de smartphones. Avec ses 2,3 millions de kilomètres carrés et ses 135 millions d’hectares de forêt primaire tropicale, c’est le deuxième poumon de la planète. Pourtant les libertés et la capacité d’initiative de la population y sont étouffées. Des situations qui conduisent entre autres la population de nombreux pays africains à fuir pour traverser la Méditerranée, faute de développement durable participatif chez eux.

La transition écologique, c’est une transition énergétique, qui signifie accès à l’énergie pour les Africains. Dans ce domaine, le Congo détient à lui seul 13 % du potentiel hydroélectrique mondial. Une énergie renouvelable qui peut alimenter toute l’Afrique et même plus loin. Certes, ce potentiel est exploité par de grandes infrastructures, tel le barrage d’Inga, nécessaires, mais qui ne changent pas significativement l’accès de la population à l’électricité.

« Les solutions d’en haut ne sont pas durables »

Pour changer de modèle, il faut donner le pouvoir énergétique aux populations locales, notamment par le soutien aux microbarrages, à l’énergie solaire ou l’accès aux futurs super-condensateurs en cours de développement. En réalité, grâce au progrès technologique, le climat africain devient un atout pour le développement de l’énergie solaire. L’immense territoire de la RD Congo, s’il est un défi pour les infrastructures, se prête idéalement au développement de la production énergétique renouvelable hors réseau ou des mini-réseaux décentralisés.

C’est ainsi que l’on peut donner la chance à l’agriculture familiale et agro-industrielle de nourrir le pays, voire l’Afrique, avec ses 120 millions d’hectares de terres arables. C’est aussi grâce à l’énergie que pourront se développer les communications, source de vie sociale, d’innovation, de commerce et de paix…

Si l’on en donne les moyens aux populations. Le bassin du Congo, deuxième plus grand bassin fluvial du monde, après celui de l’Amazone, est lui aussi un enjeu écologique planétaire. Comme le bassin amazonien, il abrite une des forêts tropicales denses les plus riches du monde en biodiversité, en cours de déforestation. Ses immenses ressources d’eau douce sont des enjeux géopolitiques, écologiques, énergétiques et alimentaires. Là encore, ce sont les populations locales qui ont les solutions. Elles doivent être associées à sa gestion et à son développement durable.

Car nous le savons tous, les solutions imposées d’en haut ne sont pas durables. Des indices existent, tel Doing Business, pour stimuler les efforts faits par les pays pour améliorer le climat des affaires. Le monde a maintenant besoin d’un Doing Inclusive, pour mesurer et stimuler les efforts faits par les Etats pour assurer la gouvernance participative du développement durable. C’est la proposition que je formule pour la COP 21.

Pour une responsabilité sociale des Etats

Il sera aussi utile pour atteindre l’objectif de développement durable n°16 des Nations unies portant sur la gouvernance. Cet index pourra mesurer la participation des populations aux affaires publiques par les atteintes ou la promotion des droits humains et libertés fondamentales, le respect des Constitutions et de l’Etat de droit, des peuples indigènes, le degré de liberté des élections et les possibilités d’alternance démocratique, le renforcement des institutions, l’accès aux services publics essentiels, le soutien aux initiatives locales de développement durable, aux projets d’innovation sociale, le degré de transparence ou de corruption des affaires publiques et la préservation de l’environnement.

Au final, c’est de la responsabilité sociale des Etats qu’il s’agit. Si nous avons mesuré la responsabilité sociale des entreprises et le climat des affaires, il ne tient qu’à nous de mesurer et inciter à la gouvernance participative du développement durable.

La COP 21 est une belle opportunité de catalyser la volonté politique à cet effet. Le parc des Virunga au Congo est un cas d’école. L’exploitation touristique raisonnée de ce trésor écologique mondial permettrait la création d’emplois durables, le financement de la santé, l’éducation des populations locales et des infrastructures adaptées à la préservation de sa biodiversité unique. Il faut aujourd’hui choisir entre écotourisme ou exploitation pétrolière, et c’est avec les populations locales qu’il faut faire ce choix.

Les élections à venir en 2016 en Afrique sont un test immédiat et grandeur nature de notre capacité à enclencher le développement durable participatif. Après de multiples tentatives de révision constitutionnelle repoussées par la population, la jeunesse congolaise est aujourd’hui privée d’élections.

Alors qu’approche le rendez-vous de Paris, nous devons tous nous assurer que la COP 21 et sa mise en œuvre, au-delà de ses aspects techniques et économiques, ait une forte dimension démocratique et participative. L’homme africain est face à son avenir, comme ses voisins européens ou américains, mais pas avec les mêmes chances pour monter dans le train du développement durable.

Cela commence par des élections démocratiques et inclusives permettant le débat sur un projet de société, le libre choix des dirigeants et l’alternance démocratique. En cette matière, il y a urgence en Afrique, car l’impact des échéances électorales, permettant ou non un débat populaire sur un projet de société, sera mondial. Et durable.

Par Samy Badibanga, président du groupe parlementaire UDPS & Alliés (opposition) à l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo (source: lemonde.fr)

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