COP 21 et changement climatique en Afrique : Charbon, carbone et nouvelle donne

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Sur les 80 chefs d’Etats attendus à Paris dans quelques semaines pour discuter du changement climatique lors de la 21 ème Conférence des Parties (COP 21), il y aura plusieurs dirigeants africains.

Entre shopping sur les Champs Elysées et visite de la Tour Eiffel, combien de membres de leurs délégations pléthoriques prendront la peine de peser sur les négociations climatiques ?

Il est encore temps de suivre le conseil de la Directrice du Fonds vert pour le climat Hela CHEIKHROUHOU, « Pour vraiment remplir leur rôle lors de la COP 21, un rôle qui je le répète sera central, les Africains se doivent d’envoyer leurs meilleurs talents pour négocier. Il est important que la voix africaine, sous la convention, soit une voix qui représente pleinement les intérêts du continent ».

Pendant ce temps, en l’absence de solutions alternatives, pour assurer leur survie, une bonne partie de la population du Katanga en République Démocratique du Congo, est obligée de commercialiser du Makala (charbon de bois) contribuant ainsi à la déforestation dont elles sont les premières victimes.

Dans les salons feutrés et les hôtels cossus parisiens, combien de délégués africains auront une pensée pour ces katangais avec leur Makala sur la route de Likasi ?

Pourtant, 700 millions d’africains ont encore recours au charbon de bois pour la cuisson.

En Afrique du Sud, en plus de la cuisson, le charbon est la principale source de production d’électricité du pays.

Mais dans un contexte mondial de lutte contre le changement climatique, il n’est plus bon d’avoir recours au charbon.

En juin, le parlement Norvégien a voté une loi obligeant le retrait du portefeuille d’investissement du Fonds du pétrole (800 milliards d’euros d’actifs et en possession de 1,3 % de la capitalisation boursière mondiale) des compagnies minières ou de production d’énergie dont 30 % au plus des recettes ou des revenus proviennent du charbon.

Il s’agit probablement d’une nouvelle donne qui transformera progressivement l’économie mondiale avec de fortes répercussions en Afrique. D’autant que les Norvégiens sont loin d’être seules.

Dans le cadre de la préparation de la COP 21, a été organisé à Paris en mai dernier le climate finance day au cours duquel, les investisseurs ont multiplié les annonces contre le charbon.

D’après le PDG de AXA, l’assureur sortira du capital des compagnies minières dont plus de 50 % du chiffre d’affaires provient du charbon et de celui des énergéticiens dont plus de 50 % du CA est issu de centrales à charbon. Ce qui représente 500 millions d’euros.

Tout financement du charbon sera désormais stoppé par le Crédit Agricole.

Si en Europe, la concrétisation de ses annonces est attendue, en Amérique du Nord, les investisseurs passent à l’action.

Dans le quotidien québécois Le Devoir du 4 octobre, il est précisé que « le 22 septembre dernier, l’association Divest-Invest a annoncé que près de 430 institutions à travers le monde, dont l’ensemble des investissements totalise 2 600 milliards de dollars, avaient choisi de retirer leur argent du secteur des énergies fossiles. Parmi les revirements spectaculaires, le Rockefeller Brothers Fund créé par les héritiers de John D. Rockefeller dont la fortune provenait des profits de Standard Oil, a annoncé en septembre 2014 qu’il cessait d’investir dans les énergies fossiles. »

Le journal revient également sur la transformation du Fonds Desjardins Environnement en Fonds Desjardins SociéTerre Environnement avec la révision importante de son protocole de sélection des titres : « L’impact du nouveau protocole de sélection des titres a été instantané sur la composition du fonds. L’exposition du portefeuille aux secteurs de l’énergie et des matériaux dont les mines, a été réduite de 60 %. Alors que ces secteurs comptent pour un peu plus de 30 % du marché boursier canadien, ils comptent maintenant pour 8 % dans le Fonds Desjardins SociéTerre Environnement »

Si ce mouvement de désinvestissement dans les énergies fossiles prenaient de l’ampleur, en plus de l’Afrique du Sud pour le charbon, quels seront les conséquences économiques et sociales dans les pays africains producteurs de pétrole comme le Nigeria, l’Angola, l’Algérie, le Cameroun, le Gabon, le Congo et le Tchad ?

Et si en plus, l’idée d’une taxe carbone était actée en décembre prochain à Paris lors de la COP 21, quelles seront les répercussions sur les économies africaines et leurs entreprises ?

ALLOOOO….. Y-a-t-il un Président d’une organisation patronale africaine, d’une banque ou d’une compagnie d’assurance pour prendre le leadership de la mobilisation du secteur privé africain sur la question climatique et le business du carbone ?

De gré ou de force, les entreprises africaines vont s’intéresser au climat.

Dans l’optique de la COP 21, sur les 54 pays africains, 47 ont publié leur Contribution Prévue Déterminée au plan National(CPDN).

Il s’agit d’un document qui indique les principaux postes d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) dans le pays ainsi que le plan d’actions pour la réduction de ces GES. Il est indispensable pour l’obtention des financements.

Inutile de rappeler que l’industrie et plusieurs secteurs d’activités comme l’agriculture, le transport et la production d’énergie sont les principales cibles de réduction des GES pour les Etats africains.

Quelles sont les stratégies des organisations patronales africaines pour limiter les risques pour leurs adhérents et saisir les opportunités ?

Sur la base de la déclaration des Etats et des calculs de l’Institut Afrique RSE, les 47 pays indiqués ont besoin de 724,6 milliards de dollars US pour passer d’une quantité de 3 661,4 MTeqCO2 à 2204,5 MTeqCO2 dans les prochaines années.

On est donc très loin des 100 milliards de dollars US promis par an par les pays développés dans le cadre du Fonds vert dont la majorité ira à la Chine et l’Inde.

La nouvelle donne pour les Gouvernements et le secteur privé africains c’est aussi la saisie des opportunités du green business.

D’après Akinwumi ADESINA, Président de la Banque Africaine de Développement « La BAD va augmenter le niveau de l’investissement dans les projets climats, pour le tripler. Aujourd’hui nous finançons environ 1,4 milliard de dollars par an, nous allons passer à 5 milliards d’ici 2020. Cela va représenter 40 % de tout le portefeuille de la BAD »

Thierry TENE,
Associé et Directeur de l’Institut Afrique RSE

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