La gestion durable des forêts en RDC : approches participatives pour un développement résilient des communautés locales

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Par Jean Luc Zunguluka Bibentyo et Athanase Mutunda Moma

En date du 10 décembre 2020, un side event a été organisé sur la thématique « Gestion durable des forêts en République démocratique du Congo (RDC) », dans le cadre de la 8ième Réunion du Conseil Directeur du PFBC et ses réunions connexes, en vue d’approfondir des thématiques spécifiques avec des acteurs intervenant dans le domaine de la conservation de la biodiversité et gestion durable des forêts. 

Au cours de cette rencontre le programme de maintien de la Biodiversité et Gestion durable des forêts de la GIZ (BGF/GIZ) en République Démocratique du Congo a pu partager son expérience autour de l’accompagnement qu’il offre au gouvernement de la RDC à travers son Ministère de l’Environnement et Développement Durable (MEDD). A cet effet, deux sujets ont été présentés.

Le premier a porté sur la Sécurisation foncière comme outils d’aide à la prévention et à la résolution des conflits dans le domaine de reboisement.  Et le deuxième sujet quant à lui a porté sur   la présentation du processus pilote d’élaboration de normes techniques de reboisement adaptées aux zones écologiques de la Province du Sud-Kivu

Présenté par Jean Luc Zunguluka Bibentyo, Conseiller Technique Ancrage modèles au BGF/GIZ RDC, le sujet sur la sécurisation foncière a permis à l’assistance de s’imprégner de la démarche du BGF/GIZ en appui à deux chefferies au Sud-Kivu (Kabare et Ngweshe) en vue de limiter les conflits de terres, favoriser l’accès des communautés aux certificats fonciers coutumiers, leur offrant un niveau avancé de sécurisation de leurs terres.

En effet, en vue de participer à la diminution de la pression sur les forêts naturelles, de contribuer à l’approvisionnement de la ville de Bukavu en bois énergie tout en améliorant des conditions de vie des ménages bénéficiaires, à travers la génération des revenus, il était prévu que le BGF accompagne le reboisement de 1.000 ha par des petits privés regroupés en associations au niveau des villages, selon une approche de micro-boisements et d’agroforesterie.

Quatre (4) organisations de la société civile (OSC) ont été sélectionnées pour la mise en œuvre des activités sur terrain, moyennant des subventions locales de la GIZ.

Considérant la crise foncière, constituant l’une des principales sources de violence et de la pauvreté, il a été relevé que des millions des ménages, surtout les populations rurales, vivent dans une insécurité foncière permanente affectant la cohésion sociale et décourageant le développement des secteurs vitaux, telle que l’agriculture et le reboisement.

Cette crise foncière émane principalement de l’indétermination juridique de la loi foncière de 1973 qui prévoyait une ordonnance présidentielle pour règlementer les questions liées au Statut et aux modalités de gestions des terrains des communautés locales gérés par les chefs coutumiers. Cette ordonnance n’a jamais été élaborée jusqu’à présent.

Le processus de réforme foncière, en cours depuis 2012, prévoit la conciliation entre le droit réel foncier et droit coutumier du fait que la constitution de 2006 consacre le pouvoir des chefs coutumiers sur les terrains des communautés locales.

Face à cette problématique, un accompagnement s’est avéré nécessaire aux deux chefferies pilotes avec l’appui technique de l’ONG Action Sociale d’Organisation Paysanne (ASOP) pour faciliter aux bénéficiaires privés l’accès aux ‘Certificats Fonciers Coutumiers’ (CFC) et ainsi sécuriser le capital forestier investit sur les différentes parcelles.

Le choix porté sur l’ASOP était justifié par son expérience dans un processus pilote développé au Sud-Kivu sur la mise en place d’un ‘modèle de sécurisation foncière décentralisée à base coutumière’ dans le cadre de l’appui à la réforme foncière assuré par la coopération Suisse.

Des agents fonciers des deux chefferies d’interventions ont été formés par l’ONG ASOP pour l’accompagnement des toutes les activités qui se résument en 7 grandes étapes à savoir : (i) la demande d’un CFC par le bénéficiaire auprès du groupement ou de la Chefferie, (ii) la mission de terrain d’un agent foncier du groupement avec le chef de village concerné en vue de l’arpentage de la parcelle en présence des voisins, l’enregistrement des coordonnées GPS des angles de la parcelle et le remplissage de l’Attestation ; (iii) le dépôt des données de l’agent foncier auprès du groupement et envoi des données au service foncier de la chefferie ; (iv) la saisie des données numériques par le service foncier de la chefferie et l’établissement du ‘Croquis de la parcelle’ et du ‘Certificat Foncier Coutumier’ ; (v) l’établissement de la facture à payer par le demandeur, sur base de la superficie du terrain ; (vi) la signature du ‘Certificat Coutumier de Reconnaissance Foncière’ par le Chef de Chefferie et (vii) le payement des frais et retrait du CFC.

Cet appui a permis d’aboutir à l’établissement de 616 CFC (dont 60 CFC représentant 9,75 % au bénéfice de femmes) pour 904,32 ha sur 2.785 ha reboisés par le programme. De ces certificats fonciers émis ; 191 concernent 209,24 ha reboisés dans la Chefferie de Kabare et 425 certificats portent sur 695,08 ha reboisés situés dans la Chefferie de Ngweshe. Ceci a conduit à une éradication et prévention des conflits liés à l’héritage foncier et aux limites des terres de familles voisines

En termes de défis à relever il a été relevé la faible volonté politique d’achever le processus de la réforme foncière en cours depuis 2012, l’appropriation du processus par la communauté et le transfert effectif du pouvoir de gestion foncière aux Entités Territoriales Décentralisées.

Le deuxième sujet de ce Side event a été assuré par Athanase Mutunda Moma, Spécialiste en Suivi et Évaluation des activités de Reconstitution des Opérations de Reconstitution du capital Forestier au MEDD. Cette présentation a offert au MEDD l’opportunité de présenter le processus pilote d’élaboration de normes techniques de reboisement adaptées aux zones écologiques de la Province du Sud Kivu, son produit ainsi que les leçons apprises et de débattre des potentielles recommandations en vue de sa reproduction à d’autres provinces du pays.

Actuellement la RDC a un grand de défis de répondre à l’engagement pris dans le cadre du challenge de Bonn pour la restauration d’une étendue d’au moins 8 millions d’hectares dégradés. Et, c’est grâce aux initiatives des tous les partenaires tant privés que publiques que ce défi peut être relevé. Au regard de ce défi et en vue de faire face à la problématique de la déforestation qui présente un taux annuel d’environ 0,37 %, plusieurs initiatives de reboisement, boisement et de régénération naturelle sont entreprises par différents parties prenantes du secteur de reboisement.

La problématique de reboisement, de boisement, de régénération naturelle assistée et d’agroforesterie semble ainsi constituer une préoccupation majeure au niveau du pays. Depuis 2006, la RDC a entrepris plusieurs réformes sectorielles. Toutes ces réformes tirent leur origine dans la constitution de 2006.

Malgré les engagements internationaux pris par la RDC, notamment le challenge de Bonn, et les dispositions de la loi n°011/2002 du 29 août 2002 portant Code forestier et de l’arrêté ministériel N°026 du 07 Aout 2008, la RDC ne dispose jusqu’à ce jour, d’aucun soubassement stratégique en termes de politique, stratégie, plans et normes techniques adaptées aux zones agro écologiques.

De ce qui précède, il s’est avéré impérieux que la RDC définisse des directives en termes des normes techniques pour la mise en place des boisements et de reboisements.

Du fait que le contexte agro écologique du pays diffère d’une zone à l’autre, la Direction de reboisement et horticulture (DRHo) du MEDD avec l’appui technique du BGF/GIZ s’est lancé en collaboration avec la Coordination Provinciale Environnement et Développement Durable (CPEDD) dans le processus d’élaboration du document des normes techniques de reboisement adaptées aux différentes zones agro écologique du Sud Kivu.

Ce processus a connu différentes étapes à savoir :

  • – Une mission de réflexion : en vue de faire un état des lieux des documents disponibles et des bonnes pratiques de reboisement promues par différentes parties prenantes. Cette mission avait permis non seulement de constituer une banque des données mais aussi de tirer des leçons sur les bonnes pratiques de reboisement agroforestier à travers les visites de quelques concessions dans la zone agro écologique du Sud Kivu.
  • – Une mission de lancement officiel du processus : L’élaboration du document a commencé par un lancement officiel du processus en décembre 2019 par les autorités politico administratives concernées pour marquer leur consentement officiel dans le processus. En marge, il a été question d’évaluer le besoin en données additionnelles à travers des enquêtes qualitatives et quantités organisées sur terrain. Ce qui a permis d’aboutir à une proposition du canevas pour la structuration du document et à la définition d’une méthodologie à suivre pour le processus d’élaboration des normes de reboisement.
  • – La constitution du Comité de rédaction (CORED) : Sur instruction officiel du Secrétaire Général à l’Environnement et Développement Durable, le Coordonnateur provincial de l’environnement du Sud Kivu a dû constituer un groupe de 8 experts au sein du CORED, accompagné par 2 experts de la DRHo et de la direction de gestion forestière (DGFor) pour l’élaboration du document des normes avec l’accompagnement technique d’un consultant recruté à cet effet. Ceci a été manifesté par une lettre de désignation transmise au SG.
  • – La rédaction du document des Normes de reboisement : Le Consultant et les membres du CORED/Sud-Kivu ont procédé par une approche hautement participative et holistique incluant toutes les parties prenantes au processus, à travers divers ateliers organisés tant au niveau national que provincial. Sur base des données recueillies, un premier draft a été élaboré puis consolidé à l’aide des résultats des travaux en groupes facilités par le consultant et les experts de la DRHo. Cette version consolidée a été soumise à une validation des parties prenantes du domaine de reboisement dans la province du Sud-Kivu avant sa présentation au niveau national.

La structure du document des normes comprend le contexte, la description du milieu physique du Sud-Kivu, la démarche méthodologique, la planification et intégration des services écosystémiques ; la mise en œuvre des activités de terrain, la gestion durable de la plantation, la communication et commercialisation ainsi que le suivi et évaluation.

Dans la suite du processus, il est envisagé la publication du document des Normes Techniques de Reboisement (NTR) pour la zone agroécologique de la province du Sud-Kivu ; l’élaboration du guide pratique (avec traduction en langues locales) ; l’élaboration du questionnaire d’évaluation d’application des NTR ensuite la vulgarisation du document.

Jean Luc Zunguluka Bibentyo (BGF/GIZ RDC) et Athanase Mutunda Moma (MEDD RDC)        

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