Explosion du puits de gaz à Gadiaga (Sénégal) : Amadou Canard Diop y voit la responsabilité de Forteza et appelle à revoir la législation

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Propos recueillis par Moctar FICOU     

L’incendie qui s’est déclaré samedi 19 décembre 2020 dans un puits de gaz à Gadiaga, une localité située dans la région de Thiès, ne présente pas de risques pour les populations riveraines, selon le ministre de l’Environnement et du Développement durable, Abdou Karim Sall qui s’est rendu sur les lieux lundi dernier. Malgré cette assurance, l’expert en réduction des risques et gestion des catastrophes a vivement dénoncé la responsabilité de l’entreprise Forteza qui exploite actuellement ce puits avant d’expliquer la nécessité de revoir la législation pour parer à ces genres d’incendies comme celui encore en cours à Gadiaga.                

Amadou Canard Diop qui avait dirigé une unité de Sapeurs-pompiers à Thiès et dirige actuellement le cabinet Prévention, incendie, panique, explosion (PIPE) s’est dit, lors d’une interview accordée à VivAfrik, être pris au dépourvu par cet incendie dans un pays comme le Sénégal qui aspire à devenir une patrie pétrolière.  

Comment a-t-on pu être pris au dépourvu pour un Sénégal qui aspire à devenir un pays pétrolier ?

C’est la question que tout le monde se pose parce qu’on ne peut pas comprendre qu’actuellement, on est en train d’explorer des puits de gaz et ceci depuis belles lurettes, par exemple depuis 1998 par la Société africaine de raffinage (SAR) d’abord, ensuite par Tullow Oil, par Tulor Canada et depuis 2009 par Forteza et personne n’est à mesure, surtout le service de secours, de régler cette situation. Ça, c’est intolérable dans un pays comme le Sénégal qui a des règles. La sécurité n’a pas été respectée par cette entreprise (Ndlr : Forteza). Nous avons nos textes sénégalais. L’entreprise doit déclarer effectivement être prête au niveau administratif mais devait au moins présenter un plan d’opération interne détaillé sur la gestion de ces genres de risques. Ce plan devrait être validé par les services compétents notamment les Sapeurs-pompers, la direction de la protection civile et de l’environnement. L’entreprise devrait également former le personnel et revoir régulièrement ce plan afin de l’adapter au contexte du moment. Tout cela n’a pas été fait. Aussi, faire un puits de gaz ou de pétrole obéit à une procédure bien établie. Ce qui ne me semble pas être fait ?

Où situez-vous donc les responsabilités, du côté des propriétaires de l’unité industrielle ou de l’Etat ?

L’Etat a une part de responsabilité certes, mais l’incendie actuel dégage la responsabilité de Forteza. Ce qui me pose surtout problème depuis l’explosion de puits, samedi 19 décembre 2020, c’est que personne n’entend Forteza s’exprimer sur les causes et les moyens mis en œuvre. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’Etat n’a pas à répondre, à communiquer à la place de l’entreprise fautive. Forteza est une compagnie privée qui a créé un accident majeur sur ses infrastructures au Sénégal. Les responsables de la société devraient s’expliquer pour dire qu’est qui a été la cause, quels sont les mesures prises et comment doit-on se comporter pour régler ce problème de manière définitive ?

En clair, l’entreprise devait disposer d’un système de prévention et de prise en charge de ses genres de catastrophes ?

Effectivement. L’entreprise devrait avoir un plan d’information d’urgence ou un plan d’opération interne ou un autre plan, selon le nom qu’elle va l’attribuer. Cette compagnie devait former ses éléments pour parer à ces événements malheureux. Ensuite, adapter ce plan avec les services de sécurité notamment les Sapeur-pompiers et la direction de la protection civile, le tester régulièrement pour voir sa fiabilité et retoucher au fur et à mesure afin que ce plan soit à jour. Si le personnel n’est formé, si le plan n’existe pas, s’il n’y a pas d’équipements et qu’il y a un incident comme celui-ci, la société ne peut pas le gérer en interne et sa responsabilité est totale et entière.

Comment, malgré tout, on peut expliquer les difficultés à venir bout des flammes malgré la forte mobilisation des unités des Sapeur-pompiers ?

Vous n’êtes pas sans savoir que c’est la première fois qu’on affronte un puits de gaz en feu. Les Sapeur-pompiers ne sont pas outillés techniquement et matériellement pour gérer ce puits de gaz parce que ce genre d’incendie ne faisait pas partie de leurs interventions habituelles. Donc ils n’ont pas d’équipements ni la formation, ni l’expérience.

Justement, à propos de cet avenir, quelle doit être l’orientation des textes ? Laissez la sécurité aux exploitants c’est-à-dire aux entreprises qui exploitent ces puits pétroliers ou gaziers ou c’est l’Etat qui devait prendre ces questions en charge ?     

C’est l’entreprise qui a la responsabilité de sa sécurité. Maintenant, l’Etat peut former, surtout avec son groupement national de Sapeur-pompiers, des unités spécialisées pour venir en renfort à ces entreprises en difficulté. Avec les unités spécialisées, la formation et les équipements, les entreprises devaient donner du crédit à la formation et l’équipement de ces unités spécialisées pour leur venir en renfort en cas d’urgence. Les risques, dans une entreprise, sont gérer par son chef. C’est lui qui gère ces risques, qui forme son personnel, qui crée un plan d’opération interne et le partage avec les unités de secours qui, aussi, se préparent en fonction des risques de l’entreprise pour encore une fois de plus, leur venir en renfort en cas d’urgence.  

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