Dans l’ouest américain, les feux de forêt se font de plus en plus violents alors que la glace fond dans l’Arctique. Une situation engendrée par le réchauffement climatique anthropique. Suffisant pour les chercheurs de montrer comment les deux phénomènes sont étroitement liés.
Selon les experts qui ont publié leurs travaux dans la revue scientifique Nature Communications jeudi 23 décembre 2021, le recul des glaces de mer en Arctique apporte des conditions de plus en plus favorables à la survenue d’incendies de forêt dans l’ouest des États-Unis.
Rappelons qu’en Californie, plus d’un million d’hectares de végétation sont partis en fumée au cours de la saison des feux de forêt qui vient de s’achever. Or, selon une étude menée par un groupe de chercheurs du Pacific Northwest National Laboratory (États-Unis), le réchauffement accéléré de l’eau et de l’air autour de l’Arctique tend à favoriser un schéma de circulation qui place l’ouest de l’Amérique du Nord sous un dôme anticyclonique d’altitude.
Robert Frost, c’est un poète américain. Au nom prédestiné. Parce que oui, en anglais, « frost » veut dire « gel », a rappelé futura-sciences.com. Et c’est donc en évoquant les écrits de Robert Frost que des chercheurs du Pacific Northwest National Laboratory (États-Unis) introduisent aujourd’hui leurs récents travaux. « Certains pensent que le monde finira dans le feu. Certains pensent qu’il finira dans la glace. »
Mais les chercheurs soulignent qu’en matière de climat, les choses ne sont pas aussi binaires. Entre le feu et la glace, ils envisagent plutôt une sorte de relation donnant-donnant. Dans leur étude, ils montrent qu’à mesure que la glace de mer fond dans l’Arctique, le soleil réchauffe un peu plus la région ce qui conduit à des conditions propices aux feux de forêt dans les lointains états de Californie, de Washington et de l’Oregon. L’existence de cette relation étroite entre les deux phénomènes était déjà connue. Aujourd’hui, les chercheurs en présentent le mécanisme.
Le mouvement subsident qui accompagne la zone de hautes pressions renforce la chaleur et la sécheresse en surface, ce qui offre un contexte idéal pour le développement d’incendies plus nombreux et virulents. C’est une situation de ce type qui a conduit à l’épisode caniculaire exceptionnellement intense survenu sur la partie occidentale des États-Unis et du Canada l’été dernier. « Les conditions climatiques dans une partie du monde peuvent au fil du temps influencer les évènements climatiques à des milliers de kilomètres de là », note Hailong Wang, coauteur du papier par ailleurs géologue au Pacific Northwest National Laboratory.
« C’est un peu comme avec l’effet papillon », commente M. Wang, dans un communiqué. Celui qui avance que le battement d’aile d’un papillon peut déclencher une tornade à l’autre bout du monde. « La région arctique et l’ouest des États-Unis sont liés par une telle relation. Le réchauffement de la surface des terres et des mers dans la région arctique causé par la perte de glace de mer déclenche, au loin, des conditions plus chaudes et plus sèches dans l’ouest des États-Unis plus tard dans l’année. »
En d’autres termes, un englacement déficitaire côté pacifique favoriserait des conditions chaudes et sèches à l’ouest des États-Unis plus tard dans l’année, entre la fin d’été et le début d’hiver. Selon les scientifiques, cette relation statistique est identifiable sur les quarante dernières années au moins et atteint une ampleur analogue à celle du phénomène El Niño, connu pour moduler de façon périodique le climat nord-américain. Notons que si la relation avait été observée par de précédents travaux, c’est la première fois que son mécanisme est clairement explicité.
« Ce qui se passe exactement, c’est qu’avec le réchauffement climatique anthropique, la glace de mer notamment, fond. Du côté de l’Arctique, les eaux se réchauffent. Et les différences de pression avec l’atmosphère au-dessus de la région augmentent. Le tout entretient un vortex qui tourne sur l’Arctique dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Un vortex qui souffle de l’air chaud vers l’ouest des États-Unis. Un vortex tellement puissant qu’il parvient à incurver le courant-jet polaire. Celui-là même qui, en principe, amène de l’humidité sur la côte américaine » soulignent les experts.
Selon eux,la couverture de glace de mer boréale diminue à un rythme particulièrement rapide. « En outre, quoi que nous fassions pour limiter le réchauffement climatique, la banquise va disparaître de façon quasi totale durant l’été d’ici à 2050 ». Par conséquent, les résultats avancés par les chercheurs portent des implications majeures dès maintenant et pour le futur proche. « Cette connexion dynamique réchauffe et assèche la région de l’ouest des États-Unis », souligne Yufei Zou, auteur principal de l’étude. « En découvrant le mécanisme derrière cette télé-connexion, nous espérons que les personnes chargées de la gestion des forêts et de la préparation aux incendies de forêt seront mieux informées ».
Moctar FICOU / VivAfrik