Le niveau du lac Tanganyika a augmenté de près de cinq mètres ces trois dernières années, selon les experts. C’est l’une des conséquences du changement climatique. Que ce soit en Tanzanie, au Burundi, en Zambie ou en RDC, les hommes d’affaires qui ont lancé des activités sur le littoral du lac sont affectés par la montée des eaux. Certains ont tout perdu, d’autres tentent de surnager malgré tout. C’est le cas à Kalemie, à l’est de la RDC.
« Qu’allons-nous faire si l’eau ne cesse de monter ? » Cette question est dans tous les esprits des riverains du lac Tanganyika. Au Burundi par exemple, les propriétaires de maisons, les entrepreneurs et les ouvriers du bâtiment, les agriculteurs, les vendeurs du marché, les écoliers, les navetteurs et, bien sûr, les travailleurs humanitaires et les acteurs du développement sont dans le désarroi.
« C’était une plage, mais plus aujourd’hui. En fait, c’est par rapport à la montée des eaux. On avait presque 115 mètres de plage. Maintenant, on n’est restés qu’avec environ 45 mètres », constate Kanimba Sanzo Lis, responsable du snack-bar « Rio Beach ».
Il y a trois ans, cet espace était un endroit privilégié pour les vacanciers. Aujourd’hui, les parents n’osent plus y amener leurs enfants. Rio Beach a ainsi vu son chiffre d’affaires réduit de plus de moitié, explique à RFI Kanimba Sanzo Lis. « Ça nous a touchés économiquement. C’était un grand Rio, maintenant c’est simplement Rio. Le week-end, on accueillait entre 800 et 1 000 personnes. Maintenant, c’est la galère, comme vous voyez », déplore-t-il.
Des locaux inondés par la montée des eaux
Au cours des deux dernières années, de fortes pluies persistantes, suivies d’inondations, de glissements de terrain et de vents violents, ont fait monter les eaux du lac Tanganyika à des niveaux dangereux, engloutissant des routes entières, des marchés, des cours d’école et des églises. Bienvenues dans un premier temps, les pluies diluviennes ont rapidement commencé à semer le chaos dans la vie et les moyens de subsistance des habitants et dans toute la sous-région. Le deuxième lac le plus profond du monde – et 600 km de large à ses points les plus longs – est partagé entre le Burundi, la Tanzanie, la Zambie et la République démocratique du Congo (RDC) – et aucun pays n’a été épargné par la dévastation.
Rien qu’au Burundi, plus de 52 000 personnes ont été touchées par les inondations depuis mars 2021, selon la matrice de suivi des déplacements de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), bien que le nombre réel soit probablement beaucoup plus élevé. Près de la moitié ont été déplacées à l’intérieur du pays et des milliers de maisons ont été inondées.
En République démocratique du Congo notamment, le restaurant-bar Aquarius, l’un des plus prestigieux de la ville de Kalemie, n’a pas été épargné par le désastre. La cuisine, la boîte de nuit et la salle des sports ont été inondées par les eaux du lac Tanganyika. « Auparavant, c’était vraiment du chaud. On avait beaucoup de clients », avance Josaphat Nzwende, le responsable. « Les serveurs qui commencent le travail à 15 heures, finissaient le lendemain à 8 heures. Mais actuellement, ce n’est plus le cas. Certains clients nous ont fuis, car l’eau a envahi notre boîte de nuit. Déjà à 22 heures, on n’a plus de clients », poursuit-il.
D’autres activités commerciales ont aussi subi le choc de la montée des eaux du lac Tanganyika. C’est le cas du port privé, au quartier DAV de Kalemie. Il recevait jusqu’à plus de 300 tonnes de marchandises par jour. Mais aujourd’hui, tout est à l’arrêt. Les bâtiments, y compris le vaste dépôt des marchandises, sont engloutis dans le lac, explique d’un air triste Kiza Byamungu, le gérant. « Ici, on accueillait des commerçants en provenance de la Tanzanie, de la Zambie, d’Uvira et de Moba. Nous avons connu de grosses pertes. Et jusque-là, nous n’avons aucun secours des autorités », déplore-t-il.
Hormis ces secteurs, les champs entiers de cultures ont été détruits – une perte dévastatrice d’au moins une année de stocks alimentaires pour plus de 90% de Burundais qui dépendent de l’agriculture de subsistance.
Ces entrepreneurs éplorés n’ont qu’un seul souhait, celui de voir le lac Tanganyika se retirer afin qu’ils puissent reprendre leurs activités.
Moctar FICOU / VivAfrik