Le stress hydrique qui sévit en Afrique touche actuellement environ 250 millions de personnes et pourrait entraîner le déplacement de 700 millions de personnes, d’ici à 2030. C’est ce que révèle un rapport sur l’état du climat en Afrique publié jeudi 8 septembre 2022 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
L’étude est intitulée « Etat du climat en Afrique : l’augmentation de la demande et la diminution de l’approvisionnement en eau pourraient aggraver les conflits », alerte qu’« il est probable que les migrations liées au climat contribuent à concentrer les populations et à créer des zones surpeuplées et informelles. Ce qui pourrait accroître les risques de tensions et de conflits entre les communautés».
Le rapport est alarmiste. Il est inquiet par rapport à quatre pays africains sur cinq. Selon les rapporteurs, ces pays « ne disposeront pas de ressources en eau gérées de manière durable, d’ici à 2030». Aussi, le document note-t-il « que la superficie totale du lac Tchad, situé aux frontières du Tchad, du Cameroun, du Nigeria et du Niger, est passée de 25 000 km² dans les années 1960 à 1 350 km² actuellement».
Alors que l’Afrique est la région du monde la moins émettrice de gaz à effet de serre, la raréfaction des ressources hydriques risque d’y devenir un moteur de migration de plus en plus puissant.
« Etat du climat en Afrique : l’augmentation de la demande et la diminution de l’approvisionnement en eau pourraient aggraver les conflits » ( en anglais Africa state of climate : increasing demand and decreasing supply of water may worsen conflicts), ce rapport précise qu’« il est probable que les migrations liées au climat contribuent à concentrer les populations et à créer des zones surpeuplées et informelles. Ce qui pourrait accroître les risques de tensions et de conflits entre les communautés. »
Les pénuries d’eau ont été déjà à l’origine d’affrontements dans l’Extrême-Nord du Cameroun, qui ont provoqué plusieurs milliers de déplacés internes et plus de 30 000 réfugiés au Tchad voisin en décembre 2021, rappelle le rapport qui cite le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
« L’aggravation de la crise et la famine qui menace la Corne de l’Afrique, en proie à la sécheresse montrent comment le changement climatique peut exacerber les chocs hydriques, menacer la vie de centaines de milliers de personnes et déstabiliser des communautés, des pays et des régions entières », peut-on également lire dans le rapport.
Selon Petteri Taalas, Secrétaire général de l’OMM, « le climat de l’Afrique s’est réchauffé davantage que le climat mondial moyen depuis l’époque préindustrielle (1850-1900). Parallèlement, le niveau de la mer monte plus vite le long des côtes africaines que dans le monde en moyenne. Ce qui contribue à accroître la fréquence et la gravité des inondations et de l’érosion côtière, ainsi que la salinité dans les villes de faible altitude. Les changements qui touchent les masses d’eau continentales ont des répercussions majeures sur le secteur agricole, les écosystèmes et la biodiversité».
Des pertes évaluées à plus de 70 milliards $
Notant que l’année 2021 a été « la troisième ou la quatrième année la plus chaude jamais enregistrée en Afrique selon la référence utilisée », l’OMM a par ailleurs indiqué que les épisodes de sécheresse ont coûté la vie à plus d’un demi-million de personnes et causé des pertes économiques supérieures à 70 milliards de dollars sur le continent, au cours des 50 dernières années.
L’Afrique qui ne représente qu’environ 2 à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre s’est réchauffée à un rythme moyen d’environ +0,3 °C/décennie entre 1991 et 2021. Ce qui est plus rapide que le réchauffement de +0,2 °C/décennie observé sur la période 1961-1990.
Face à ce grand dérèglement, l’OMM souligne la nécessité de mobiliser davantage de moyens financiers pour permettre aux populations de s’adapter aux chocs climatiques à venir, et appelle les pays du continent à se doter de systèmes d’alerte précoce pour réduire l’impact des catastrophes. L’Afrique demeure la région du monde la moins bien équipée en systèmes d’alerte précoce, avec seulement 40 % de la population couverte.
Moctar FICOU / VivAfrik