L’effondrement des populations d’oiseaux en Europe engendré par l’agriculture intensive

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Les chercheurs ont mis en cause les pesticides et engrais utilisés par l’agriculture intensive en Europe. Selon eux, depuis 1980, 20 millions d’oiseaux disparaissent chaque année en moyenne. Et l’intensification de l’agriculture est la principale cause de ce spectaculaire déclin des oiseaux. C’est la conclusion d’une étude parue lundi 15 mai 2023 et qui rassemble un nombre inédit de données.

De nombreux scientifiques européens, qui publient dans la revue américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), ont collaboré afin de trouver quelles activités humaines étaient responsables du déclin des populations d’oiseaux européens.

Pour cela, ils ont utilisé un jeu de données inédit par son étendue : 37 années d’observations provenant de 20 000 sites de suivi écologique dans 28 pays européens, pour 170 espèces.

La biodiversité s’effondre, on le sait, un quart des oiseaux européens a disparu en 40 ans, 20 millions par an, soit 800 millions au total. Mais une vaste étude publiée, lundi 15 mai 2023, dans la revue américaine PNAS vient préciser quelles activités humaines sont derrière ce déclin. Et ils pointent un principal responsable de ce phénomène : l’agriculture intensive et à travers elle l’usage de pesticides et d’engrais chimiques.

Le jeu de données inédit de l’étude révèle une impressionnante base de données qui a permis aux scientifiques de regarder finement quelles sont les causes de cette hécatombe. Certains écosystèmes sont plus durement touchés que d’autres : le nombre d’oiseaux forestiers a diminué de 18%, baisse qui atteint 28% pour les oiseaux urbains et 57% pour les oiseaux des milieux agricoles.

« Nous concluons que l’intensification de l’agriculture, en particulier l’usage des pesticides et des engrais, représente la pression principale pour la plupart des déclins de populations d’oiseaux, en particulier ceux qui se nourrissent d’invertébrés », écrivent les scientifiques leur article.

Ces invertébrés représentent « une part important du régime alimentaire pour de nombreux oiseaux durant au moins certaines étapes de leur développement », pointent les auteurs.

Des espèces principalement insectivores qui ne trouvent plus à manger. En effet, engrais et pesticides perturbent toute la chaîne alimentaire. Ces invertébrés sont ainsi cruciaux pour 143 espèces parmi les 170 étudiées pendant la période de reproduction. Une réduction de la nourriture disponible aura ainsi par exemple un effet négatif sur le succès de la reproduction en modifiant le comportement des parents et en affectant la survie des oisillons. Le déclin est marqué chez des espèces comme le gobemouche gris (-63%) ou le célèbre moineau domestique (-64%).

Le réchauffement climatique vient quant à lui au deuxième rang des menaces et frappe logiquement les oiseaux préférant le froid – 40% d’entre eux ont disparu – comme la mésange boréale, mais n’épargne pas non plus les espèces amatrices de chaleur (18% de déclin). L’urbanisation fait aussi des victimes parmi les martinets ou encore les hirondelles. Les auteurs de l’étude écrivent observer une dégradation environnementale profonde tant les oiseaux sont importants dans les écosystèmes, mis en péril par leur disparition.

Changer de modèle d’agriculture

Pour enrayer cet effondrement, il faudrait commencer par changer de modèle d’agriculture. Or « on continue à être dans une vision industrielle du monde agricole », associant recours massifs à la mécanisation et à la chimie, regrette Vincent Devictor.

« On n’est toujours pas sorti de ce paradigme de l’après-Deuxième Guerre mondiale », souligne le chercheur, citant l’augmentation de mégafermes en France au détriment des petites surfaces.

Outre l’agriculture, d’autres facteurs liés à l’activité humaine ont aussi des effets sur les populations d’oiseaux, à commencer par le changement climatique.

Enfin, la progression de l’urbanisation fait aussi des victimes parmi les martinets ou encore les hirondelles.

« On fait des territoires qui sont de plus en plus hostiles, y compris l’intérieur du milieu urbain », souligne Vincent Devictor, qui a travaillé avec deux collègues basés en France, le doctorant Stanislas Rigal et Vasilis Dakos du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

« Des espèces aimaient bien nicher dans des anfractuosités, être dans des endroits où il y a encore des insectes dans les milieux urbains. Avec les modes de bétonisation aujourd’hui, couplés à la disparition des insectes, cela devient hostile même pour eux », indique-t-il.

Moctar FICOU / VivAfrik

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