Les forêts du Burkina Faso, véritable poumon vert du pays, sont aujourd’hui en péril. Présentes partout, au centre, à l’est, à l’ouest, au nord et au sud, elles sont gravement menacées par la déforestation, les feux incontrôlés, l’extension des terres agricoles, l’orpaillage sauvage et les constructions humaines. Ces forêts, même classées, ne sont plus à l’abri. Des milliers d’hectares disparaissent chaque année, malgré les efforts du ministère de l’Environnement, en raison du manque de moyens et de la faiblesse de la gouvernance.
Le manque de volonté politique a été un facteur clé dans cette situation. Par exemple, entre 1992 et 2014, le pays a perdu plus de 47% de ses forêts, soit 6,18 millions d’hectares. Environ 281 355 hectares disparaissent chaque année, entraînant des conséquences dramatiques pour le climat et la biodiversité. En 2024, le pays fait face à des vagues de chaleur extrêmes, dont les effets se répercutent sur la santé de la population. La mortalité liée à la chaleur a fortement augmenté, et des études de l’ONU et de l’ACASIS soulignent que ces vagues de chaleur seraient impossibles sans le réchauffement climatique, exacerbé par la disparition des forêts.
Les forêts ont un rôle crucial à jouer dans la régulation du climat en capturant les gaz à effet de serre et en réduisant les effets du réchauffement global. Cependant, la dégradation des forêts du Burkina Faso, y compris des forêts classées, est accélérée par des pressions anthropiques, telles que l’agriculture, l’exploitation minière, la coupe de bois et l’urbanisation illégale. De plus, des projets d’infrastructures, comme des écoles ou des centres de santé, sont parfois implantés dans ces zones protégées, ce qui entraîne leur dégradation rapide.
Les statistiques sont alarmantes. Par exemple, la forêt de Koulbi, dans le Sud-Ouest du pays, a été déclarée classée en 1955. Cependant, cette zone de 40 000 hectares est aujourd’hui largement dégradée, avec des villages, des écoles, des forages et des infrastructures agricoles qui y ont été installés illégalement. La forêt de Bontioli, d’une superficie de 29 500 hectares, subit également la même pression.
La situation est similaire dans d’autres régions comme les Cascades et le Plateau Central. Les tentatives de déguerpissement des populations vivant dans ces forêts classées, telles que celles de Dida, Wayen et Ziga, se sont soldées par des échecs, notamment en raison de la pression exercée par les habitants, soutenus parfois par des acteurs politiques locaux.
Le financement insuffisant et la faiblesse des politiques publiques sont d’autres problèmes majeurs. Selon un rapport de la Banque mondiale, moins de 1 % du budget national est alloué à la gestion des forêts, et la surveillance des espaces forestiers est largement insuffisante. Le nombre d’agents des Eaux et Forêts est bien en deçà des besoins, avec un personnel de terrain mal équipé et insuffisant pour faire face à l’ampleur du défi.
Malgré tout, une lueur d’espoir apparaît avec l’engagement récent du gouvernement à recruter 4 000 agents des Eaux et Forêts dans les prochaines années, ce qui pourrait renforcer la gestion des forêts. Cependant, les collectivités locales et les populations elles-mêmes doivent prendre conscience de l’importance de préserver ces écosystèmes pour éviter des conséquences dramatiques sur le climat et la santé publique. Le cas des vagues de chaleur extrêmes de 2024 pourrait être le signal d’alarme nécessaire pour initier une prise de conscience collective.
Moctar FICOU / VivAfrik