L’AKADEMIYA2063, l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) à travers son Bureau d’analyse macro-économique (BAME) et le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), membre du Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) ont organisé, du 26 au 27 février 2025 à Dakar, la capitale sénégalaise, un atelier de réflexion sur les implications pour les politiques agroalimentaires et l’aide à la prise de décision.
Ainsi, le projet Innovations en matière de politique nutritionnelle et de résilience grâce au numérique (DERPIn) est une initiative ambitieuse visant à renforcer la résilience des systèmes alimentaires africains en utilisant les technologies numériques et les solutions basées sur les données. Ce projet, mis en œuvre par AKADEMIYA2063 au nom de la GIZ (Agence allemande de coopération internationale pour le développement), en partenariat avec des organisations locales comme l’Organisation panafricaine des agriculteurs (PAFO) et des instituts de recherche dans cinq pays pilotes (Sénégal, Ghana, Malawi, Ouganda et Bénin), s’inscrit dans une approche inclusive pour favoriser des politiques agroalimentaires plus durables et basées sur des données probantes.
Un projet au service des décideurs et des acteurs locaux
L’objectif du projet DERPIn est d’offrir aux décideurs, agriculteurs, chercheurs et autres parties prenantes des outils numériques et des données fiables pour faciliter la prise de décision dans les systèmes agroalimentaires. Ces informations permettent de prendre des décisions éclairées sur la gestion des ressources agricoles et nutritionnelles, d’orienter les politiques de résilience face aux chocs climatiques et de promouvoir l’égalité de genre dans les processus décisionnels.
Ousseynou Ka, chargé de programme changement climatique et résilience au Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) a souligné l’importance du projet. « Nous avons organisé cet événement pour partager les résultats et les objectifs du projet DERPIn, qui couvre cinq pays : le Sénégal, le Ghana, le Malawi, l’Ouganda et le Bénin. DERPIn, qui durera deux ans et prendra fin en août 2025, est un outil d’aide à la prise de décisions. Il est mis à la disposition des autorités, non seulement au niveau central, mais aussi au niveau local. C’est une approche inclusive, qui permet de collecter des données et de procéder à des cartographies afin de fournir à l’autorité toutes les informations nécessaires pour prendre des décisions appropriées. »
Le projet DERPIn ne se limite pas à l’agrégation de données ; il propose une démarche concrète visant à adapter les pratiques agricoles aux besoins locaux et à renforcer les stratégies nutritionnelles, notamment dans un contexte de souveraineté alimentaire. En cela, le projet répond à des enjeux cruciaux comme l’amélioration des habitudes alimentaires et la gestion des carences nutritionnelles. Ousseynou Ka a ajouté en ce sens que « DERPIn est un projet très important pour les producteurs, le secteur privé, mais surtout pour les autorités. Il permet de savoir ce que mangent les gens, quel rapport ils ont avec leur alimentation et quels correctifs il convient d’apporter. Ces données sont fondamentales dans un contexte de souveraineté alimentaire. »
L’accroissement de la disponibilité des données pour une prise de décision plus éclairée
Julie Collins, représentante d’AKADEMIYA2063, l’un des bailleurs du projet, partage une vision globale du projet. « Le projet DERPIn vise, en général, à augmenter la disponibilité des données et des preuves pour guider les décisions des autorités. Il implique plusieurs acteurs du secteur agroalimentaire : les décideurs politiques, les représentants du secteur privé, les producteurs, les chercheurs, et les planificateurs. Tous ces acteurs ont besoin de données et de preuves pour éclairer leurs décisions. Et c’est ce que nous essayons de faire : accroître la disponibilité des informations pour orienter les choix. »
Elle met aussi en avant l’importance de la nutrition dans le cadre du projet. « Hormis les cinq pays participants, nous espérons étendre le projet à d’autres pays. La nutrition est un axe fondamental de ce projet. Il s’agit de mieux comprendre la ‘faim cachée’, c’est-à-dire les carences en nutriments et en micronutriments. Ces carences sont parfois difficiles à déceler, mais nous avons mené des études sur les protéines et d’autres nutriments, en nous basant sur les données de consommation au niveau des ménages. Cela nous permet de définir où se situent les lacunes et les écarts, tant au niveau des différents types de nutriments que dans les différences entre les ménages urbains et ruraux, mais aussi entre les départements du pays. »
Ainsi, en offrant des outils permettant de mieux comprendre les habitudes alimentaires et leurs impacts sur la santé des populations, DERPIn s’inscrit dans une démarche de transformation durable des systèmes alimentaires. Ce travail vise également à minimiser les inégalités d’accès à une alimentation de qualité et à une information pertinente sur la nutrition.
La cartographie des productions agricoles et la prise en compte des chocs climatiques
Le projet DERPIn repose également sur l’utilisation des technologies pour renforcer la résilience des systèmes alimentaires face aux défis mondiaux croissants, notamment les chocs climatiques. Mouhamadou Dièye, de l’ISRA-BAME (Institut sénégalais de recherches agricoles, Bureau d’analyses macro-économiques), a expliqué le rôle fondamental du projet dans l’analyse et la cartographie des rendements agricoles. « L’ISRA est partenaire du projet DERPIn et a contribué à la collecte des données, à l’élaboration des cartes de productions et de rendements, ainsi qu’à la validation des rapports qui aideront à la prise de décisions. Le projet intervient dans un contexte mondial marqué par des chocs climatiques, économiques et sanitaires de plus en plus fréquents. Dans ce cadre, il est crucial de disposer de données fiables et actualisées. »
La mise à jour continue des données permet aux autorités et aux autres acteurs du secteur agroalimentaire d’anticiper les crises, de gérer les ressources de manière plus efficace et de renforcer la résilience des producteurs face aux aléas climatiques. L’intégration des données satellitaires et des outils de prévision améliorent la précision des cartes de cultures, facilitant ainsi les prévisions des rendements et la planification des récoltes.
Un projet inclusif et sensible au genre
Le projet DERPIn ne se contente pas d’accroître la disponibilité des données, il accorde également une attention particulière à la dimension genre, souvent négligée dans les politiques agricoles. Une attention particulière est accordée aux besoins spécifiques des femmes et des jeunes dans le développement des stratégies et des politiques. En effet, le projet considère que l’intégration de la perspective de genre dans les politiques agricoles est essentielle pour assurer une équité dans la distribution des ressources et des opportunités.
Le projet DERPIn constitue une opportunité unique de développer des politiques agricoles inclusives, favorisant une plus grande égalité d’accès à la terre, aux ressources et aux opportunités économiques pour les femmes et les jeunes. Cela inclut aussi des formations pour aider les autorités à concevoir des stratégies sensibles au genre.
Un avenir prometteur pour les systèmes alimentaires du Sénégal et de l’Afrique
Le projet DERPIn représente un tournant dans la manière dont les pays africains, et en particulier le Sénégal, abordent les questions de résilience et de nutrition dans leurs systèmes alimentaires. Grâce à l’exploitation des technologies numériques et des données probantes, il permet une prise de décision plus éclairée et plus efficace. Le projet contribue à la transformation durable des systèmes alimentaires africains en facilitant une meilleure gestion des ressources agricoles et alimentaires, tout en favorisant la résilience face aux crises économiques, climatiques et sanitaires.
Comme l’a souligné Ousseynou Ka, « l’IA est mise au service de l’agriculture pour aider les autorités à prendre des décisions adéquates en faveur des populations. » Le projet DERPIn incarne cette vision en apportant des solutions numériques innovantes aux défis actuels de l’agriculture et de la nutrition en Afrique. En développant de telles initiatives, le projet DERPIn ouvre la voie à un avenir plus résilient, durable et inclusif pour les systèmes alimentaires du Sénégal et au-delà.
Avec la possibilité d’étendre ce projet à d’autres pays africains, l’initiative DERPIn a un potentiel énorme pour renforcer la souveraineté alimentaire à l’échelle du continent, promouvoir l’innovation et l’égalité, et garantir une alimentation de qualité pour tous.
Moctar FICOU / VivAfrik