Semences améliorées et déforestation : Comment trouver un équilibre entre développement économique et protection de l’environnement dans les pays du Sud ?

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Les pays du Sud, notamment en Afrique subsaharienne, se trouvent face à un défi de taille : comment assurer le développement économique tout en protégeant l’environnement ? Cette question est particulièrement pertinente dans des régions comme le bassin du Congo, où la déforestation est un phénomène alarmant, mais inévitable pour de nombreuses familles rurales qui dépendent de l’agriculture itinérante pour leur subsistance. L’agrandissement des surfaces cultivées, souvent au détriment des forêts tropicales, met en lumière un dilemme complexe : d’un côté, la nécessité de nourrir des populations croissantes, de l’autre, la nécessité de préserver des écosystèmes vitaux pour le climat mondial.

Le paradoxe de l’agriculture itinérante et de la déforestation

Dans le bassin du Congo, l’agriculture itinérante est une pratique courante. Elle consiste à défricher des terres pour y cultiver des produits agricoles pendant une courte période, avant de déplacer les cultures ailleurs lorsque le sol perd sa fertilité. Bien que cette méthode soit indispensable pour la survie de millions de familles rurales, elle contribue fortement à la déforestation. En effet, chaque nouvelle parcelle de terre déboisée pour l’agriculture augmente l’impact écologique et menace la biodiversité des forêts tropicales.

Le paradoxe réside dans le fait que les agriculteurs ne peuvent se permettre de cesser leurs pratiques agricoles, car elles représentent leur principal moyen de subsistance. Pourtant, cette même agriculture menace à long terme la qualité de leur environnement et, par extension, leur bien-être. Ainsi, la question centrale devient : comment concilier la nécessité d’un développement économique avec la préservation des écosystèmes vitaux, comme les forêts tropicales ?

Les semences améliorées : une solution équivoque

Les semences améliorées, souvent promues comme une solution pour augmenter les rendements agricoles, sont au cœur des recherches menées par des experts tels que Sylvie Lambert, professeure à Paris School of Economics (PSE) et directrice de recherche à l’INRAE. Ses travaux portent sur les choix de production des ménages ruraux et l’impact des nouvelles technologies agricoles, dont les semences améliorées, sur la pauvreté et la nutrition des populations rurales.

Les semences améliorées offrent la promesse d’une meilleure productivité agricole, en permettant de cultiver plus de produits sur des surfaces plus petites. L’idée est de réduire la pression sur les forêts en augmentant les rendements sans avoir besoin d’étendre les terres cultivées. Cela pourrait potentiellement freiner la déforestation tout en répondant aux besoins alimentaires croissants.

Cependant, la mise en place de ces semences pose plusieurs défis. D’une part, leur adoption n’est pas toujours simple. Les agriculteurs doivent souvent s’adapter à de nouvelles techniques agricoles et faire face à des coûts supplémentaires liés à l’achat de semences et à la gestion de nouvelles méthodes de culture. D’autre part, l’accessibilité à ces technologies reste limitée, notamment en raison des inégalités socio-économiques et des faibles investissements dans la recherche et le développement agricole dans ces régions.

L’impact sur les ménages ruraux : un choix complexe

L’un des aspects les plus intéressants des recherches de Sylvie Lambert réside dans l’analyse des choix économiques au sein des ménages ruraux. Elle montre que, dans les pays du Sud, l’agriculture n’est pas simplement un moyen de production, mais un pilier de la structure sociale et familiale. Les décisions de production agricole sont intimement liées à des dynamiques familiales, de pauvreté et de bien-être.

Les semences améliorées, en théorique, pourraient offrir une voie vers une meilleure sécurité alimentaire et une réduction de la pauvreté. Cependant, leur adoption n’est pas une garantie de succès. Dans de nombreuses régions, les agriculteurs manquent des ressources nécessaires pour exploiter pleinement le potentiel de ces technologies. Les inégalités entre les producteurs plus riches et ceux vivant dans la pauvreté peuvent ainsi être exacerbées, créant des écarts de productivité et des tensions sociales.

L’équilibre fragile entre développement et conservation

La question essentielle reste donc de savoir si les semences améliorées et les nouvelles technologies agricoles peuvent réellement concilier développement économique et conservation de l’environnement. Pour y parvenir, une approche intégrée est nécessaire. Il ne suffit pas d’introduire des semences de meilleure qualité ; il faut également investir dans l’éducation des agriculteurs, dans des infrastructures adaptées et dans des politiques agricoles qui soutiennent une croissance durable.

Sylvie Lambert plaide pour une analyse plus approfondie des impacts à long terme de ces technologies sur les ménages ruraux. La réussite de l’intégration de semences améliorées dans les pratiques agricoles dépendra non seulement de leur capacité à améliorer la production, mais aussi de leur impact sur la réduction de la pression exercée sur les forêts et les écosystèmes naturels.

Vers une agriculture durable et inclusive

L’étude des semences améliorées par Sylvie Lambert met en lumière un enjeu central pour les pays du Sud : comment allier développement économique et préservation de l’environnement dans des contextes où la subsistance des populations dépend de l’agriculture ? Si les semences améliorées offrent des solutions pour améliorer les rendements agricoles et potentiellement réduire la pression sur les forêts, elles nécessitent un accompagnement structuré et un soutien adapté pour garantir leur efficacité.

Il est crucial que les politiques agricoles mettent l’accent sur la durabilité et la résilience, en intégrant les dimensions sociales, économiques et environnementales. Seule une approche holistique et inclusive pourra permettre de relever ce défi et d’assurer un avenir plus équitable et respectueux de l’environnement pour les populations rurales du Sud.

Moctar FICOU / VivAfrik

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