Lettre ouverte adressée au Ministre Sénégalais de l’Environnement et du Développement durable

Ministère de l´Environnement et du Développement Durable République du Sénégal

Objet : Lettre ouverte

Monsieur le Ministre

Ce n’est point un farouche opposant de l’APR qui s’adresse à vous en cette période postélectorale mais bien l’écoactiviste et fondateur du Centre Fagaru, une initiative privée de sauvegarde des paysages forestiers sur une propriété de 30 hectares. Le Centre Fagaru est le voisin immédiat de la Réserve Naturelle Communautaire de Néma Ba d’une superficie de 100 hectares.

Fondé en 1998, le Centre Fagaru abrite aujourd’hui l´un des rares pour ne pas dire le seul fragment de la forêt primaire de la région de Fatick dont la biodiversité a été maintenue et nettement améliorée. Le Centre Fagaru est aussi le porteur du projet Nduku Organics sélectionné en mai 2022 comme l´un des 28 projets du Plan Sénégal Emergent Vert, tout pour confirmer notre engagement à appuyer les initiatives de l´Etat du Sénégal pour la sauvegarde et la valorisation de notre patrimoine bioculturel.

Il est regrettable d’en venir à une lettre ouverte pour attirer votre attention et solliciter votre intervention pour mettre un terme à une situation critique qui se déroule présentement dans la Réserve Naturelle Communautaire de Néma Ba. Une réserve naturelle communautaire est bien un mécanisme de conservation de la biodiversité et une disposition juridique et légale pour favoriser et appuyer la restauration des habitats dégradés et contribuer à l’amélioration des conditions de vie des communautés riveraines.

Comment et pourquoi est-il alors possible avec un Arrêté de classement toujours en vigueur d’autoriser une exploitation de carrière de latérite sur plus de 40 hectares dans la Reserve Naturelle Communautaire de Néma Ba? Un nouvel exploitant vient d’obtenir une autorisation de détruire encore 4 hectares de la réserve naturelle communautaire. A ce rythme il ne restera rien de cette réserve naturelle qui abrite une forêt d´importance pour la vitalité et la préservation des forêts de mangroves.

Il est surprenant qu´un programme intitulé Projet d’une Finance Novatrice d’Adaptation Communautaire autour des réserves naturelles communautaires/Unités pastorales (PFNAC) avec un Plan d’actions d’adaptation aux changements climatiques de la commune de Toubacouta – Vers une meilleure résilience autour de la Réserve Naturelle Communautaire de Néma Ba reste indifférent face à la destruction systématique de cette même réserve naturelle communautaire qui constitue la principale justification du projet dans cette commune.

Paradoxalement on retrouve le PNUD et le FEM comme les mêmes bailleurs et partenaires techniques du précédent Projet de Gestion Intégrée des Ecosystèmes dans quatre paysages représentatifs du Sénégal (PGIES) et du PFNAC toujours en action dans la réserve de Néma Ba. Le sentier écotouristique et les miradors aménagés dans la réserve naturelle par le PGIES pour la promotion et le développement de l’écotourisme ont été broyés par les bulldozers alors que le PFNAC nous parle encore de promotion du tourisme de nature et de restauration des habitats encore dans cette même réserve.

Le rapport datant de janvier 2019 réalisé par RESNAT-VALEUR sur financement du PFNAC/DPN/MEDD n´a pas accordé une seule petite phrase à cette question comme pour confirmer que nous devons nous tenir au titre du plan d´action du PFNAC dans la commune de Toubacouta et conclure que l´attention est ailleurs et partout, sauf sur ce qui passe à l´intérieur même de la réserve. De quelle résilience est-il alors question dans ce cas de figure?

Comme voisin de la réserve naturelle, nous étions convaincus que le PFNAC disposait de toutes les prérogatives pour apporter des solutions de sortie de crise et avons fait preuve de patience.

Le PFNAC tire à sa fin cette année et nous venons d’être informé été que l’association Nature Communauté Développement est choisie par votre ministère pour prendre la relève. Une rencontre a eu lieu à Toubacouta pour officialiser ce colportage en attente d´une contribution généreuse des organisations internationales comme le PNUD et le FEM pour continuer cette mésaventure.

Le Ministère et les partenaires techniques et financiers comme le PNUD et FEM ont-ils été orienté par rapport à cette exception sénégalaise et en toute connaissance de cause validé la mise en place d´un panneau d´information avec vos logos à l´entrée d´une carrière? Ce panneau pour saluer la mise en place d´un pare feux de 2 km comme mesure de protection de la réserve ou des littéralement transformée en carrière nous laisse perplexe.

Il n´est pas acceptable de faire d’une quelconque association ou ONG un noble héritier du

PFNAC. Il s’agit surtout de mettre fin à cette instrumentalisation des communautés appauvries par les déboires des programmes et projets qui accompagnent la destruction des écosystèmes.

Ce modus operandi est source de conflits sociaux et contribue à la précarité et l´augmentation de la pauvreté. Le classement de la réserve a considérablement réduit l’accès aux ressources naturelles particulièrement pour les couches sociales les plus vulnérables des villages environnants qui dépendent des ressources naturelles pour leur survie. Une exploitation commerciale extractive est autorisée sans aucune transparence sur les retombées pour ces mêmes communautés ou même la simple remise en état des routes abîmées par les gros porteurs de la carrière.

Le cas de la Réserve Naturelle Communautaire de Néma Ba mérite votre attention et sonne l´alarme pour une meilleure mise en cohérence pour restaurer 2 millions d’hectares au Sénégal et réaliser les engagements du Sénégal sur la scène internationale. Il faudra d´abord préserver et renforcer l’existant tout en œuvrant pour la restauration des écosystèmes dégradés, une méthode efficace et peu onéreuse dans le cadre de l´action climatique. Une Réserve naturelle de 100 hectares n´est pas à minimiser dans la région de Fatick qui enregistre un taux de déforestation supérieure à la moyenne nationale, et surtout par le PFNAC qui prévoyait de restaurer que seulement 300 hectares dans la commune de Toubacouta.

Monsieur le Ministre, il est peut-être bientôt temps de décréter l´état d’urgence climatique au Delta du Saloum pour sauver ce qui reste encore de forêts dans la région de Fatick. Le PFNAC n´a pas fait le boulot dans la réserve naturelle communautaire de Néma Ba et redoutons fort la destruction complète de la réserve d´ici 5 ans.

Face à cette situation urgente, nous sollicitons une relecture des textes et pratiques régissant cette réserve naturelle communautaire, conformément aux engagements de l´Etat du Sénégal, conventions internationales et politiques en vigueur. Nous sommes dans une Réserve de Biosphère et un site du Patrimoine Mondial de l´UNESCO.

Nous jugeons alors notre requête légitime et bien fondée. Il s’agit soit de lever l’Arrêté de classement de la réserve naturelle pour assister à la transformation de la forêt en carrière ou d´arrêter immédiatement cette exploitation pour redonner vie et priorité aux écosystèmes.

Il s´avère nécessaire de clarifier les rôles et responsabilités dans cette affaire qui met en faux les engagements du Chef de l’Etat pour la sauvegarde des paysages forestiers dans le cadre de l’initiative Africaine pour la restauration des écosystèmes dégradés (AFR100), du PSE Vert et de la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes dégradés (2021-2030) dont vous avez présidé au lancement national à Toubacouta l’année dernière.

Je doute fort que les faits vous ont été contés de la sorte sur le cas de la Réserve Naturelle

Communautaire de Néma Ba. Nous vous invitons ainsi Monsieur le Ministre à visiter ensemble avec les partenaires techniques et financiers du PFNAC cette réserve naturelle et de nous offrir dans le cadre de l´évaluation finale du projet des options et alternatives plus conformes aux conventions et textes régissant la gestion des paysages forestiers du Sénégal.

En toute reconnaissance des efforts consentis par votre Ministère, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à l´assurance de nos sentiments les meilleurs.

Birame Diouf

Fondateur du Centre Fagaru


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