Hysacam peine à ramasser les déchets au Cameroun, les start-ups en profitent

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Le malheur des uns fait le bonheur des autres. C’est cette maxime semble s’appliquer à la collecte des déchets à Douala, la capitale économique du Cameroun. En effet, malgré l’ouverture à la concurrence, le ramassage des déchets demeure un épineux problème à Douala et Yaoundé où Hysacam, l’unique opérateur conventionnel du marché, peine à couvrir l’ensemble des quartiers. Une aubaine pour de nombreux jeunes entrepreneurs qui ont fait de cette activité une source de profit.

D’après un article de Franck Foute dans les colonnes de jeuneafrique.com, il est noté qu’à Makepe, dans le 5ème arrondissement de Douala, les tricycles bleus pavoisés aux couleurs d’Ares, une start-up dédiée au ramassage d’ordures, ne passent point inaperçus. Cela fera bientôt un an que les engins de la jeune entreprise soulagent les populations de ce quartier de leurs déchets, contribuant ainsi à réduire les amoncellements de détritus jadis visibles à chaque coin de rue.

Pour cette entreprise, qui compte 18 employés, dont huit permanents, les poubelles valent de l’or. « Chaque ménage souscrit à un abonnement mensuel de 2000 F CFA (3,5 euros) et nous procédons à deux ramassages par semaine et par maison», explique Franck Eboa, l’un des deux entrepreneurs à l’origine de ce projet. À terme, Ares envisage créer une chaîne de production d’engrais biologique à partir de la biomasse collectée.

Un peu plus de 500 tonnes de déchets ont été ramassées depuis novembre 2018, date à laquelle Ares s’est lancée dans cette activité. Une statistique remarquable, qui n’impressionne pas pour autant Franck Eboa. En effet, pour cet ingénieur de 27 ans diplômé de l’institut des sciences halieutiques de Yabassi, ce chiffre est bien en deçà du potentiel qu’offre la ville.

2500 tonnes de déchets par jour à Douala

La start-up, qui opère dans le 5e arrondissement et un quartier du 3e, compte élargir son territoire et envisage une levée de fonds pour diversifier son activité et développer le tri et la valorisation des déchets.

En 2018, la production en déchets de Douala était estimée à 2500 tonnes par jour contre moins de 2000 l’année précédente. Cette nette augmentation avait amené la communauté urbaine qui fait office de mairie de la ville, à procéder à une hausse de 4 % du budget alloué à la gestion des ordures gérée par la société en charge de l’hygiène et de la salubrité (Hysacam). La cagnotte passait alors pour la première fois, le cap des 3 milliards de F CFA.

Mais, dans une ville avoisinant les 4 millions d’habitants, les 600 millions de F CFA supplémentaires injectés au budget de la ville n’ont pas suffi à combler le déficit existant. « Avec 2000 à 2500 tonnes par jour, Douala produit en moyenne 800 000 tonnes par an. Lorsque l’on sait que la tonne d’ordures collectée et mise en décharge par Hysacam revient au minimum à 16 000 F CFA, cela signifie que la ville a besoin d’au moins 12,8 milliards de F CFA pour couvrir ce besoin. Or on en est bien loin actuellement », justifie une source au sein de la communauté urbaine de Douala.

Une mine pour les jeunes entrepreneurs qui multiplient les initiatives de collecte des déchets. Depuis le début de l’année 2019, pas moins de 25 demandes de permis ont été déposées auprès des autorités en charge des questions environnementales, dans la seule région du centre. Ils veulent rejoindre les dizaines d’autres structures qui exercent pour certaines de manière clandestine, rendant difficile l’accès à une statistique fiable sur leur nombre sans cesse croissant.

Une école bâtie à partir de déchets plastiques

Gastien Aba, 27 ans, est parmi les premiers à avoir flairé le potentiel du traitement des déchets domestiques. En 2016, il fonde la start-up Eduk-me, une entreprise qui collecte les matières plastiques et s’en sert pour construire des écoles dans des zones défavorisées. Objectif affiché par ce jeune titulaire d’un master en paix et développement durable, créer le plus grand réseau d’écoles écologiques privées et construites en zones rurales, semi-rurales et péri-urbaines du Cameroun.

« Notre toute première école compte actuellement 65 élèves. Elle est située dans la localité de Dzeng (55 km de Yaoundé, NDLR). Les bâtiments en plastique recyclé sont en cours de finition et devraient être entièrement terminés en octobre », révèle-t-il. Après la phase pilote, Eduk.me envisage se déployer dans la ville de Kribi où un lopin de terrain a déjà été acquis pour la construction d’une nouvelle école en matériaux recyclés. « Nous solliciterons l’appui des partenaires institutionnels pour poursuivre le développement de notre réseau », confie Gastien Aba.

Seulement, la gestion des déchets n’intéresse pas que les petites mains. Suite à une instruction de la présidence de la République, les villes de Douala et Yaoundé ont mis fin au monopole de l’opérateur historique de gestion des déchets Hysacam en 2018, en procédant au recrutement de nouvelles entreprises. A Douala, pendant que les responsables de la ville annonçaient avec enthousiasme l’arrivée imminente de Cameroon Alert System, Buil Pa Busco et du Groupement Genelcam Sarl/New Generation, ceux de Yaoundé s’extasiaient devant le groupement Urban Dna/AmbiAfrica/Lipor.

Le retard des entreprises choisies par les villes

Un an après ces annonces, aucune de ces entreprises n’a démarré ses activités, jetant des inquiétudes sur la capacité des structures choisies à résorber le trop-plein de déchets qui traînent dans les rues. A la communauté urbaine de Yaoundé, on assure cependant de l’imminence des opérations de la nouvelle compagnie censée collecter les déchets. « Ce sera pour septembre au plus tard », indique ici un cadre sous anonymat.

A cet effet, l’entreprise aurait mobilisé une vingtaine de camions qui procéderont au ramassage dans les 3e, 6e et 7e arrondissements de la capitale politique camerounaise à partir de sa base située dans le quartier de Mvan. « Les grandes compagnies arrivent difficilement dans les petites artères des villes », relativise cependant Franck Eboa, confiant de ce que l’entrée de nouveaux acteurs ne privera pas les jeunes start-up de leurs matériaux de base. Car cette nouvelle catégorie d’entrepreneurs est bien décidée à exploiter le filon des déchets.

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