Enfants mineurs – la face cachée de la richesse en coltan de la RDC

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Par Emmanuel Kani-Mwamba

Les lois et les systèmes de certification ne protègent pas les personnes les plus vulnérables de la République démocratique du Congo, une nouvelle approche est nécessaire.

Le coltan est l’un des minéraux les plus vitaux au monde, et 60 % des réserves mondiales se trouvent dans la province du Kivu de la République démocratique du Congo (RDC). En 2019, 40 % de l’offre mondiale de coltan a été produite en RDC.

Ce minéral est utilisé dans les téléphones cellulaires, les ordinateurs portables et d’autres appareils en raison de sa capacité particulière à stocker et à libérer l’énergie électrique. À mesure que la technologie 5G se développe, la demande de coltan congolais va augmenter. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle pour tout le monde en RDC.

Une grande partie du coltan du pays est extraite en utilisant le travail de plus de 40 000 enfants et adolescents mineurs. Issus de villages et de villes isolés du Kivu, ils abandonnent l’école ou n’ont jamais eu l’occasion de la fréquenter. Le caractère informel du secteur extractif offre des opportunités d’emploi attrayantes aux enfants vulnérables, qui servent de réservoir de main-d’œuvre bon marché.

Les enfants travaillent comme laveurs et creuseurs dans des conditions dangereuses. Ils se livrent également à une petite contrebande, vendant du coltan pour une somme dérisoire dans les villes situées le long des frontières avec le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda. Effectuant le travail d’adultes dans un environnement dangereux, de nombreux enfants mineurs sont victimes de harcèlement, d’abus et de problèmes de santé. Les risques professionnels comprennent l’exposition quotidienne au radon, une substance radioactive associée au coltan, qui a été associée au cancer du poumon.

Des informateurs et même des fonctionnaires avertissent les mineurs et les entreprises extractives des inspections à venir

Parmi les protocoles de certification internationaux notables signés par la RDC figurent le mécanisme de certification régional de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs, le système de certification du processus de Kimberley et la loi Dodd-Frank. Le pays est également signataire du guide de diligence raisonnable de l’Organisation de coopération et de développement économiques pour le traitement responsable des minerais provenant de zones de conflit, et du règlement sur les minerais de conflit.

Cependant, tous ces engagements n’ont pas empêché l’exploitation d’enfants dans les mines de coltan de la RDC. Les systèmes de certification des minéraux ne sont pas correctement mis en œuvre, pas plus que la loi concernant le travail des enfants et les conditions de travail dangereuses associées. Bien que ces cadres soient complémentaires, leur faisabilité dans l’est de la RDC est douteuse.

La capacité administrative pour assurer la conformité fait défaut, et le financement et le personnel des départements provinciaux chargés de surveiller le travail des enfants sur les sites miniers sont insuffisants. Les mineurs et les sociétés extractives contournent également les protocoles de certification des minéraux. Le travail de terrain effectué par ENACT en RDC a révélé que les inspections peu fréquentes étaient sabotées par des informateurs et même par des fonctionnaires du gouvernement dont les avertissements concernant les visites de sites à venir permettaient aux mineurs de cacher les enfants qui travaillent.

En résumé, l’exploitation et le commerce illicites du coltan en RDC sont favorisés par la faible mise en œuvre des systèmes de certification, les tentatives constantes de contourner les réglementations et l’application inadéquate de la loi. Cela jette un doute sur l’utilité de tous les systèmes de certification auxquels le pays a souscrit.

L’inscription des enfants vulnérables à l’école devrait être encouragée afin de limiter leur recrutement par les mineurs.

Une approche différente est nécessaire. Le gouvernement congolais devrait constituer et financer un groupe de travail indépendant ayant pour mandat de poursuivre les entreprises privées et les sociétés coupables de recruter des enfants mineurs. L’inscription des enfants vulnérables à l’école devrait être encouragée par des fonds réservés et des campagnes de sensibilisation afin de limiter leur recrutement dans les mines.

Compte tenu du problème du travail des enfants dans les mines de coltan, l’approche de la certification des minéraux doit être revue. Les groupes de pression internationaux peuvent plaider pour l’harmonisation des différents systèmes de certification afin qu’ils puissent être appliqués de manière uniforme dans les régions riches en minerais de l’est de la RDC.

Les partenaires du développement devraient contribuer à former et à équiper des groupes d’observateurs de la société civile au niveau local afin de surveiller et de soumettre des rapports d’incidents réguliers concernant le travail des enfants dans les mines de coltan. Ces « rapports fantômes » permettraient de valider ou d’invalider les audits de certification effectués par les fonctionnaires de l’État.

Emmanuel Kani-Mwamba, Fondateur de TRIVMPH

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