Bertrand Picard : « On vit dans une société de gaspillage, d’inefficience et de déchets »

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Par Léa Fournasson                

Alors que la COP27 bat son plein, Futura s’est entretenu avec Bertrand Packard, fondateur de Solar Impulse, qui vise à développer des technologies respectueuses de l’environnement. La Fondation a déjà préparé le texte de 50 propositions. « Prêt à voter », Adressé aux vice-présidents, il s’adresse désormais aux villes spécifiquement lors de la COP27, avec le nouveau « Un guide de solutions pour les villes ».

L’urgence climatique est là. Ce n’est plus à prouver. Le dernier rapport du GIEC explique que si rien n’est fait, nous allons droit au mur. La France est également l’une des régions les plus touchées, car elle se réchauffe plus vite que le reste de la planète. Cependant, dans la COP, peu de décisions en découlent. « Beaucoup de discours ont tendance à décrire une longue liste de problèmes climatiques que nous connaissons par cœur. Ils se terminent par ‘il faut faire quelque chose’, mais sans savoir quoi ni comment ». Bertrand Picard, fondateur de Solar Impulse, regrette de l’avoir publié Un guide de solutions pour les villes.

Son but, avec la fondation, est de montrer qu’il est possible d’agir, et surtout de montrer comment. « Aujourd’hui, il est impératif que tous nos systèmes soient modernisés. Si nous ne le faisons pas, nous continuerons dans cette spirale descendante du réchauffement climatique, de la pollution et de l’épuisement des ressources naturelles ». Il continue. Nous intervenons à la COP27, et interviendrons à toutes les autres COP : nous voulons montrer qu’il existe des solutions économiquement viables et écologiques qui peuvent être mises en œuvre aujourd’hui ».

La fondation a déjà répertorié plus de 1 450 solutions techniques qui, selon elle, permettent une plus grande efficacité : moins de consommation d’énergie pour plus de production.

« Le dialogue reste dans la logique du problème plutôt que de résoudre le problème»

« Il a fallu cinq ans pour tous les trouver, les répertorier, puis les évaluer pour qu’ils soient enfin labellisés ». Certaines d’entre elles ont été présentées lors de la COP, et ont été très bien accueillies par le public. « Quand on parle de ces solutions, on a un très bon accueil. Quand je parle aux ministres, par exemple, ils me disent qu’ils ne connaissaient pas ces solutions et c’est très intéressant. Bertrand Piccard explique. Cependant, il existe un doute quant à leur mise en œuvre effective à l’avenir. « Lors de la COP, on parle de mise en œuvre, de partenariats, mais personne n’agit. Une COP devrait revoir les solutions pour chaque région, mais pour l’instant la discussion porte sur la logique du problème plutôt que sur la résolution du problème. Il est désolé.

Pour les villes, environ 200 idées ont été proposées, qui ont été intégrées dans les lignes directrices publiées par la Fondation. « Le guide est conçu pour montrer quelles solutions sont mises en œuvre, comment et où », Bertrand Piccard explique. Au lieu de proposer quelques mesures à fort impact, comme la sortie progressive des énergies fossiles, cette fois « Des centaines de petites solutions dans tous les domaines, chacune faisant peu pour résoudre la situation » Il ajoute.

Du béton 100% recyclé à la pompe à chaleur géothermique

On trouve de tout dans les technologies labellisées par la Fondation Solar Impulse. Si la construction, parce que « Aujourd’hui, nous sommes en mesure de produire du béton en utilisant uniquement des granulats recyclés. La plupart des pays acceptent environ 5 % de granulats recyclés, mais 100 % est tout à fait possible. Il explique, ou l’énergie. Dans cette catégorie, Bertrand pointe du doigt la Celsius Energy Company, qui « Une pompe à chaleur géothermique a été développée pour alimenter les grands bâtiments. Cela permet de diviser la facture énergétique par cinq, Il explique. Autre exemple sur l’énergie : Eco Tech Ceram récupère la chaleur perdue dans la cheminée de l’usine pour la stocker et la redistribuer à l’usine. »

Ou l’agriculture : Cela conduit à l’agrarisme, toujours au cœur de nombreux débats. Cet ensemble de techniques comprend, entre autres, la mise en place de panneaux solaires orientables et mobiles au-dessus des cultures. « Cela permet d’ajuster les panneaux en fonction du besoin de lumière, qui varie selon les saisons, notamment en cas de sécheresse » Bertrand Piccard explique. Mais aussi des solutions de recyclage : « Beaucoup de pays jettent trop de déchets dans leurs rivières pour s’en débarrasser. La solution proposée par Solar Impulse : Neolith, qui transforme ces déchets en matériaux de construction ».

La croissance est le problème des riches

Lorsqu’on lui a demandé s’il pensait que ces résolutions seraient effectivement adoptées, ou du moins certaines d’entre elles, Bertrand Piccard a répondu que « Nous essayons de sensibiliser, mais nous ne pouvons pas changer les règles des pays ». Pour lui, un changement de système économique est nécessaire, ce qui peut entraîner le risque de récession en France que nous subissons cet hiver. « Il faut arrêter de croire qu’en gaspillant l’énergie on va continuer à en avoir assez. Pour cet hiver, il est trop tard. Mais cela peut servir de stimulant pour prendre de vraies décisions. Il explique.

En effet, « Actuellement, nous travaillons paresseusement et joyeusement. Nous continuons à utiliser ce que nous avons toujours utilisé, à faire les choses comme avant parce que c’est simple. Le système économique est basé sur la quantité de production, il c’est une catastrophe. Si l’eau est bon marché, pourquoi l’économiser ? Pourquoi réparer le téléphone quand il est en panne ? » C’est alors que le changement climatique, qui a durement frappé cette année 2022, change la donne. Ou du moins, pour les riches, comme l’explique Bertrand Picard, « A la COP, la seule préoccupation des pays pauvres est le développement. La croissance économique est un problème de riches, et il n’y a pas beaucoup de riches sur cette planète. » Il y a donc un enjeu : permettre au progrès écologique de moins s’améliorer et de changer la fonction de faire plus de bien. « Nous pensons qu’être écologique coûte cher, plus qu’autrement. Mais avec des solutions efficaces, nous obtenons de meilleurs rendements tout en consommant moins de ressources ».

Léa Fournasson, Journaliste scientifique

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