L’est de la République Démocratique du Congo (RDC) continue d’être un terrain de conflit majeur, avec près de 120 groupes armés actifs dans les provinces du Nord et Sud-Kivu, qui bordent l’Ouganda, le Burundi et le Rwanda. Cependant, selon le Programme de Désarmement, Démobilisation, Réinsertion Communautaire et Stabilisation (P-DDRCS), toute la région orientale du pays abrite environ 252 groupes armés locaux et 14 groupes armés étrangers. Le contrôle des ressources minières, notamment des minerais stratégiques tels que les 3T (cassitérite, tungstène et tantale), alimente une guerre qui dure depuis plus de trois décennies.
La guerre auto-financée par les minerais : une réalité persistante
Depuis la fin des années 1990, et encore aujourd’hui, les minerais sont devenus un moteur central des conflits en RDC. L’expert en géopolitique des Grands Lacs, Nissé Mughendi, a souligné dans une interview en 2023 que « la guerre en RDC, une fois commencée, s’autofinance, principalement grâce aux minerais qui sont extraits des zones de conflit ». Cette thèse, qui date de la guerre de l’AFDL en 1996, est encore aujourd’hui largement soutenue par les experts, comme l’explique Emmanuel Umpula, responsable de l’ONG congolaise Afrewatch. Les groupes armés tirent des revenus considérables des minerais extraits illégalement, comme le coltan, et les utilisent pour financer leurs activités militaires et leurs réseaux criminels.
Les minerais en RDC : des ressources convoitées et exploitées par les groupes armés
Le Rwanda est l’un des principaux transitaires de ces ressources, notamment les 3T, qui sont très prisés dans l’industrie électronique et les technologies de la transition énergétique. Dans la région de Rubaya, au cœur du territoire de Massi dans le Nord-Kivu, plus de 15 % de la production mondiale de tantale est extraite, selon le média congolais Actualite.cd. Depuis l’occupation de Rubaya par le mouvement armé M23 en 2023, après la chute de Bunagana lors des affrontements avec l’armée congolaise, cette zone est devenue une source majeure de revenus pour les rebelles, générant 300 000 USD par mois grâce aux taxes sur les exploitations artisanales.
Les groupes armés, notamment le M23 soutenu par le Rwanda, contrôlent désormais non seulement Rubaya, mais également d’autres territoires riches en ressources minières, comme le territoire de Kalehe dans le Sud-Kivu. Ces ressources permettent aux groupes armés de financer leur guerre, tout en déstabilisant la région.
Le rôle du tantale dans l’industrie mondiale et la montée de la contrebande
Le tantale, utilisé dans la fabrication de téléphones et d’autres technologies de pointe, est extrait à hauteur de 40 % – voire plus – en RDC, en plus du Rwanda, du Brésil et du Nigeria. Le rapport des experts de l’ONU, daté du 7 décembre 2024, révèle que le M23, avec l’appui de la coalition armée AFC, a pris le contrôle des centres de négoce de Rubaya et de Mushaki. Les minéraux extraits sont ensuite transportés vers le Rwanda, où ils sont mélangés avec la production locale avant d’être exportés. Ce commerce illégal fait partie d’une chaîne d’approvisionnement qui reste en grande partie non certifiée, entraînant une contamination croissante des marchés mondiaux par des minéraux provenant des zones de conflit.
Gouvernance minière et les défis de la traçabilité des minerais
L’une des principales raisons de l’exploitation des ressources minières par les groupes armés est la faiblesse de la gouvernance minière et le manque de contrôle effectif sur les gisements miniers par l’État congolais. Le ministère congolais des Mines a ainsi désigné plusieurs zones comme « zones rouges », telles que celles de Masisi, Rubaya et Kalehe, afin de sensibiliser à l’urgence d’un contrôle plus rigoureux des minerais provenant de ces zones incontrôlées. Ces régions ont été le théâtre de violences constantes liées à l’exploitation minière illégale et à l’exploitation des ressources par les groupes armés.
Une situation qui persiste malgré les efforts internationaux
Quatre groupes armés majeurs concentrent l’attention des observateurs dans cette région de la RDC : le M23, les rebelles rwandais FDLR, les ougandais ADF et les congolais CODECO. Selon un rapport de l’International Peace Information Service (IPIS), sur les 182 mines visitées en 2023, 79 % produisent de l’or, 20 % de la cassitérite, et 8 % du coltan. Ces chiffres montrent l’ampleur de l’exploitation des ressources minérales dans la région, dominée par des acteurs armés et des réseaux de contrebande.
Une situation complexe et persistante
Les minerais restent au cœur des conflits en RDC, finançant les groupes armés et exacerbant l’instabilité dans les provinces du Kivu. Malgré les tentatives de régulation et les efforts internationaux pour stopper l’exploitation illégale de ces ressources, la situation reste précaire. Le contrôle des minerais par des groupes armés demeure une problématique majeure pour la stabilité régionale et le développement économique de la RDC.
Moctar FICOU / VivAfrik