Sur la paille après des décennies de gestion désastreuse, le Zimbabwe mise sur les revenus lucratifs de l’or pour soutenir une économie ravagée par la corruption, l’hyper-inflation et plus récemment la pandémie de coronavirus. La crise sanitaire mondiale n’a pas terni la richesse du métal précieux: l’once d’or a atteint un nouveau record en août, passant pour la première fois la barre symbolique des 2.000 dollars. Le Zimbabwe compte bien en faire un remède miracle à une économie exsangue minée par le chômage, le manque d’argent liquide, d’essence et même d’électricité et d’eau. Le secteur minier représente habituellement 60% des exportations du pays, rapportant un milliard de dollars par an, et attire 50% des investissements directs étrangers, a récemment rappelé le président Emmerson Mnangagwa. Si l’économie de ce pays d’Afrique australe doit se contracter de 10% cette année, elle pourrait rebondir à +4,5% en 2021, selon les projections du Fonds monétaire international. Et le secteur minier devrait porter cette croissance. Le gouvernement table sur des revenus annuels issus des exportations minières atteignant plus de 10 milliards d’euros en 2023. Avec dans le premier rôle, l’or. Le secteur minier passera d’une contraction de 4,1% en 2020 à une croissance de 7,7% l’an prochain, selon les projections du ministre des Finances zimbabwéen, Mthuli Ncubel, lors d’une présentation budgétaire. Mais l’or et ses atours attirent aussi corruption, contrebande et scandales qui ne font qu’émerger, mais se multiplient. L’activité minière est dominée par de petites entreprises, facilitant les petits trafics. Le gouvernement a récemment estimé que plus d’un milliard d’euros se volatilisent chaque année, des mineurs individuels nourrissant des commerces illicites d’or. Pourtant le ministre des Finances reconnaît que les petites structures de mineurs contribuent jusqu’à plus de 70% de la production. La semaine dernière, une responsable du secteur minier a été arrêtée à l’aéroport d’Harare avant d’embarquer pour Dubaï, avec six kilos du métal précieux dans son bagage à main, d’une valeur de plus de 300.000 euros sur le marché international, indique sikkatv.info.
Le pari du gouvernement de miser sur l’or pour se tirer d’une économie moribonde est « irréaliste »
Le ministère public accuse Henriette Rushwaya d’appartenir à un réseau organisé, opérant à grande échelle: « C’est un exemple classique du mode opératoire du crime organisé », a déclaré le procureur Garudzo Siyadhuma lors d’une audience. Le gouvernement a établi des règles pour tenter de diminuer les déperditions. Mais de l’avis de nombreux observateurs, elles sont largement inefficaces. « L’argent n’est pas récupéré dans le système régulier », souligne auprès de l’AFP l’économiste Persistence Gwanyanya. Les vieux démons du Zimbabwe risquent aussi de déjouer l’ambitieux plan du gouvernement: pénurie de devises, monnaie faible et hyper-inflation. Le pari du gouvernement de miser sur l’or pour se tirer d’une économie moribonde est « irréaliste », selon le spécialiste Robert Besseling, du cabinet de conseil en risques commerciaux Exx Africa. « Ce plan ne tient pas compte des risques politiques et économiques extrêmement élevés dans le pays, qui décourageront de nombreux investisseurs », explique-t-il, sans compter les capacités d’exportation limitées par la médiocrité des installations. Premier producteur d’or au Zimbabwe, RioZim a annoncé en juin l’arrêt de sa production, en raison notamment d’une pénurie de devises étrangères. Les restrictions à la possession de devises étrangères édictées par la Banque centrale zimbabwéenne, aggravées par un taux de change fixe, met les rares opérateurs d’envergure en difficulté. Les exportateurs d’or ne sont en effet autorisés à convertir que 70% des revenus de leurs ventes en monnaie étrangère, le reste étant libellé en dollars zimbabwéens, ajoute le média cité plus haut.
Exploitation minière au Sénégal : la faible gouvernabilité du secteur
L’exploitation des ressources minières que sont l’or, les phosphates et le zircon est encore marquée par un profond déséquilibre entre les retombées positives escomptées par les populations vivant dans les zones d’exploitation et les inconvénients qui lui sont associés. Au regard des résultats de l’enquête effectuée dans les zones minières de Thiès, Matam et Kédougou par le Gorée Institute en 2019 dans le cadre de son Projet « Gouvernance des ressources minérales », ces derniers sont de loin les plus importants. L’enquête menée par le Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique révèle que l’exploitation de ces ressources a généré peu d’emplois ou d’opportunités commerciales et n’a pas contribué de manière significative au développement d’infrastructures sanitaires, scolaires ou routières. Ce faisant les conditions de vie des populations n’ont pas connu une amélioration significative. En revanche, les ressources naturelles ainsi que l’environnement se dégradent. Les groupes vulnérables que sont les femmes et les jeunes subissent les externalités négatives de l’exploitation minière et restent par ailleurs les plus exposées aux problèmes d’insécurité liés à l’exploitation des ressources minières. Beaucoup de personnes vivant dans les zones d’exploitation, interrogées par les enquêteurs du Gorée Institute ont soulevé cette question et sollicité la protection de l’Etat. Cette situation est révélatrice de la faible gouvernabilité du secteur des ressources minières. La responsabilité des différents acteurs intervenant dans ce secteur y compris les populations est ainsi engagée mais celle de l’Etat l’est davantage. Au total, les mutations attendues à la suite de l’adoption notamment du nouveau code minier de 2016 tardent à se concrétiser. Si l’amélioration de la gouvernance des ressources minières doit passer par d’autres réformes, un début de solution se trouve dans l’application de celles déjà adoptées. Les risques de conflits entre l’Etat et les populations d’une part, entre les populations et les entreprises d’autre part, sont réels de sorte qu’il est urgent que de mesures de correction soient adoptées afin de les prévenir, relaye goreeinstitut.org.
Moctar FICOU / VivAfrik