L’agriculture et l’alimentation, clés de la relance post-Covid au Maghreb et au Moyen-Orient

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Par Mohamed Sadiki & Placido Plaza Lopez

La crise actuelle est l’occasion pour la région méditerranéenne de favoriser des systèmes alimentaires plus durables et plus inclusifs, sources d’emplois pour les jeunes et les femmes, et portés par des innovations technologiques.

Depuis soixante ans le Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM) est un observateur de premier ordre des évolutions dans les territoires ruraux et agricoles méditerranéens. Il dresse plusieurs constats préoccupants, parmi lesquels l’abandon progressif de l’agriculture familiale et le faible renouvellement générationnel.

Il souligne ainsi le manque d’attractivité des métiers de la terre et de la mer pour les jeunes – en raison notamment d’un statut social peu valorisé qui les pousse au départ, d’abord à l’intérieur du pays puis, souvent, à l’international – et la précarité de ces emplois, souvent informels et saisonniers, et donc peu rémunérateurs.

Souveraineté alimentaire

Parallèlement, la forte croissance démographique dans la région entraîne une constante augmentation des besoins alimentaires, aggravant la très forte dépendance des pays de la zone Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord) aux importations. Les effets du changement climatique, la diminution et la dégradation des ressources naturelles pèsent aussi sur la sécurité alimentaire.

À bien des égards, la crise du Covid-19 a permis de mettre en évidence que les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation étaient essentiels dans l’équilibre de nos sociétés. Ils ont assuré la sécurité des pays. L’importance de la souveraineté alimentaire, et d’un retour à la production locale, est apparue très vite, avec la crainte de ruptures dans les chaînes d’approvisionnement et de pénuries. En outre, des débats de fond se sont installés sur la durabilité de nos modes de production et de consommation.

Circuits courts et emplois

La nouvelle génération est de plus en plus attirée par de nouveaux paradigmes alimentaires, avec de nouvelles exigences en matière de santé et de durabilité environnementale – le bio, les produits du terroir, les circuits courts ou encore l’agriculture urbaine. Des systèmes alimentaires sains et durables permettent de créer des ponts entre les territoires et les populations, ils tiennent compte des générations futures tout en valorisant les patrimoines culinaires et gastronomiques.

« L’agriculture, la pêche et le tourisme durables peuvent contribuer à la relance post-covid »

Or l’agriculture, la pêche, l’agro-business et le tourisme rural durables et responsables, qui reposent notamment sur des dynamiques public-privé, peuvent contribuer à la relance de la croissance post-covid dans la zone Mena. Ils peuvent être des catalyseurs du capital humain et contribuer de manière significative à créer de la richesse si un investissement ciblé dans la formation, le renforcement des capacités et l’insertion professionnelle est réalisé.

Dans une région où le taux de chômage des jeunes et des femmes est l’un des plus élevés au monde, ces dynamiques doivent non seulement être accompagnées mais figurer parmi les priorités des États. Ceux qui veulent s’investir pour des systèmes alimentaires plus durables doivent ainsi être considérés non comme un risque à gérer mais comme des porteurs de projets à forte valeur sociale ajoutée… pour peu que les investissements adéquats et nécessaires soient réalisés.

Les dispositifs de protection sociale et d’aide financière sont évidemment nécessaires pour l’insertion socio-économique, mais ils doivent être accompagnés par un changement de vision fondé sur la bienveillance administrative et un choc de simplification des démarches.

Parmi les leviers à actionner, citons le digital. La révolution du numérique offre aux systèmes alimentaires des opportunités sans précédent. Il permet plus de précision et d’efficacité pour contribuer à résoudre la difficile équation du « produire plus et mieux avec moins », il offre un meilleur accès aux données, aux marchés financiers ainsi qu’aux intrants et aux produits. Il favorise aussi la transparence et la traçabilité, primordiaux en matière de sécurité sanitaire.

Innovations sociales et technologiques

Rares sont les secteurs d’activités qui, comme l’agriculture et l’alimentation, sont à l’intersection d’autant de sujets de sociétés : environnement, climat, santé, culture, identités, emplois, sécurité… Ils contribuent de manière déterminante à la stabilité des territoires et au développement équilibré de nos sociétés.

« Les jeunes et les femmes pourront développer tout leur potentiel dans ces nouveaux écosystèmes »

À ce titre, nous invitons les gouvernements des pays membres de l’OCDE et de la région Mena à décloisonner les questions agricoles et alimentaires pour en faire des thématiques transversales des politiques publiques post-covid tant en matière de développement, d’enseignement, de recherche que de création d’emplois.

Il faut favoriser l’émergence d’écosystèmes d’innovations sociales et technologiques qui englobent les secteurs de l’agriculture, de la pêche et de l’agro-business, dans lesquels les jeunes et les femmes pourront développer tout leur potentiel.

Nous encourageons aussi les États à créer les conditions favorables au dialogue et à la collaboration entre les institutions de formation et de recherche, les entreprises, les acteurs de la finance et les organismes de la société civile, qui ensemble peuvent contribuer à la résilience sociale et économique des territoires.

Par Mohamed Sadiki, Président du conseil d’administration du Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM) & Placido Plaza Lopez, Secrétaire Général du CIHEAM

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