COP26 : pourquoi il faut aider les agriculteurs africains à s’adapter au changement climatique

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Par Rodger Voorhies & Wanjira Mathai

Les décisions prises lors de la COP26 seront d’une importance capitale pour la sécurité alimentaire en Afrique. Elles doivent en priorité financer des solutions pour ses exploitants agricoles et ses éleveurs.

Avec ses 1,2 milliard d’habitants, l’Afrique subsaharienne est une région dont la rapide croissance démographique impose de relever nombre de défis pour parvenir à une certaine sécurité alimentaire. Une vraie gageure, car ces défis ont été considérablement complexifiés par la pandémie de Covid-19. À long terme cependant, le dérèglement climatique devrait devenir le plus grand obstacle en la matière. Et les mesures qui seront prises lors de la Conférence sur les changements climatiques de Glasgow (COP26) seront décisives : elles détermineront la capacité du continent à s’adapter.

Concrètement, les dirigeants mondiaux doivent adopter un plan de financement de la lutte contre le dérèglement climatique prévoyant d’importants investissements destinés à aider les petits exploitants agricoles et les éleveurs africains. En effet, les systèmes alimentaires du continent reposent sur de petits producteurs, qui génèrent des emplois et des revenus pour la majorité des Africains. Cependant, un nombre croissant de fléaux comme la sécheresse et les invasions de criquets pèlerins qui menacent actuellement de famine 2,1 millions de Kenyans les ont particulièrement affecté. Au cours des soixante dernières années, le dérèglement climatique a réduit la production agricole mondiale de 21 %. Dans de vastes régions d’Afrique, les pertes dépassent 40 %. Et selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la pandémie de Covid-19 aggrave la situation.

« La réduction des émissions de gaz à effet de serre n’aidera pas les agriculteurs africains »

Innovations agricoles

Au début de l’année, les dirigeants africains ont approuvé une stratégie de relance en cas de pandémie fondée sur la mobilisation de 25 milliards de dollars sur cinq ans et mettant surtout l’accent sur l’amélioration de la résilience des petits producteurs agricoles et éleveurs. Un objectif soutenu à la fois par Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, et Janet Yellen, secrétaire américaine au Trésor. Mais les pays africains ne peuvent et ne devraient pas relever seuls les défis climatiques. Comme le rappelle Janet Yellen, « l’Afrique  [est la région qui] a le moins contribué au dérèglement climatique, mais elle en subit les pires effets ». Exemple concret : l’Afrique ne représente qu’environ 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Aujourd’hui, au moins trois quarts des financements environnementaux sont consacrés à des mesures de réduction de ces émissions. Mais, même mises en œuvre immédiatement, celles-ci ne stopperont pas la plupart des changements qui affectent déjà les agriculteurs africains et qui devraient s’intensifier au cours des prochaines décennies. Le secrétaire général de l’ONU a donc appelé les pays du G7, ainsi que les institutions comme la Banque mondiale, à augmenter de 20 à 50 %  la part allouée à l’adaptation au changement climatique et à la résilience.

Les investissements devraient en priorité être affectés aux innovations agricoles pour les communautés de petits exploitants. Les avancées scientifiques et technologiques doivent ainsi permettre de fournir aux agriculteurs des prévisions climatiques saisonnières ainsi que des conseils techniques et d’effectuer un suivi des maladies qui affectent les cultures et sont susceptibles d’être aggravées par le dérèglement climatique, comme celles qui menacent le manioc en Afrique de l’Ouest et la production de blé en Éthiopie. Les données démontrent que de tels services peuvent aider les agriculteurs à augmenter durablement leur productivité de 30 % et les revenus des ménages de 25 %.

« Les communautés vulnérables devraient avoir voix au chapitre lors de l’élaboration des solutions »

Impliquer les acteurs locaux

Le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) est un acteur essentiel dans ce domaine. Ces dernières décennies, il a développé des partenariats solides avec des agriculteurs et des centres nationaux de recherche agricole à travers l’Afrique. Grâce à ses avancées pratiques en Afrique – développement de centaines de variétés améliorées de haricots, soutien à une production alimentaire écologique et durable –, chaque dollar investi dans le GCRAI a généré 10 dollars de bénéfices pour les pays à faible revenu.

Ce partenaire sera particulièrement précieux pour la mise en œuvre globale de l’Initiative d’adaptation africaine. C’est pourquoi la Commission mondiale sur l’adaptation a appelé à doubler le budget du GCRAI dans le cadre d’un plan à plus large portée visant à soutenir ce processus auprès des communautés vulnérables à travers le monde. Des éleveurs pastoraux vivant sur les terres arides de la Corne de l’Afrique depuis des milliers d’années aux agriculteurs du Sahel collaborant avec des chercheurs pour créer leurs propres villages intelligents, les acteurs et dirigeants locaux ont l’expérience et les connaissances nécessaires pour développer des stratégies efficaces. Celles-ci devraient avoir voix au chapitre lors de l’élaboration des solutions d’adaptation aux nouvelles donnes environnementales.

Le dérèglement climatique exerce une pression énorme sur les agriculteurs africains. Pourtant, il existe de nombreuses façons de les aider à s’adapter et de s’assurer qu’ils demeurent des partenaires solides dans la mise en œuvre de l’agenda du Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires en Afrique. C’est pourquoi les décisions prises lors de cette COP26 seront d’une importance capitale. Seules des mesures permettant de rééquilibrer les priorités financières mondiales sont de nature à favoriser l’adaptation des agriculteurs africains au changement climatique avant qu’il ne soit trop tard.

Par Rodger Voorhies, Président de la Global Growth & Opportunity à la Fondation Bill & Melinda Gates et Wanjira Mathai, Vice-président et directeur régional pour l’Afrique au World Resources Institute.

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