Sommet de Dakar 2 : Libérer le potentiel agricole africain pour assurer l’autosuffisance

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Par Wolondouka SIDIBE

Le Sommet de Dakar se tiendra du 25 au 27 janvier 2023 au Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD) à Diamniadio, 30 Km de la capitale sénégalaise, sous le thème « Nourrir l’Afrique : souveraineté alimentaire et résilience ». Ce sommet réunit les gouvernements, les représentants du secteur privé, des organisations multilatérales et des ONG ainsi que des scientifiques pour se pencher sur le défi croissant de la sécurité alimentaire en Afrique. Il s’agit d’un sommet organisé par le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), le gouvernement du Sénégal et la Commission de l’Union africaine (UA).

« Les gouvernements doivent renforcer la production agricole et investir dans des systèmes alimentaires résilients qui protègent les petits producteurs alimentaires. Si on ne nourrit pas les gens, on alimente les confl­its », dixit Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies. Ces mots viennent à point nommé à propos du Sommet de Dakar 2, axé sur l’action, qui se tient du 25 au 27 janvier dans la capitale sénégalaise. Cette conférence internationale traitera la problématique de la souveraineté alimentaire et sécuritaire des Etats de l’Afrique dans son ensemble, vu que les enjeux et les défis sont de taille.

En effet, avec la suppression des obstacles au développement agricole, qui facilitent les nouveaux investissements, on estime que la production agricole de l’Afrique pourrait passer de 280 milliards de dollars par an à 1 billion de dollars d’ici 2030. Ainsi investir dans l’augmentation de la productivité agricole et soutenir les infrastructures et les systèmes agricoles intelligents face au climat, avec le concours du secteur privé, via un investissement ciblant toute la chaîne de valeur alimentaire, peuvent contribuer à faire de l’Afrique un grenier à blé pour le monde.

Il est question désormais de libérer le potentiel alimentaire et agricole de l’Afrique. Autrement dit, bien qu’il dispose de 65% des terres arables restantes pour nourrir 9 milliards de personnes dans le monde d’ici 2050, le continent importe plus de 100 millions de tonnes métriques de nourriture au coût de 75 milliards de dollars par an. Pourtant, l’Afrique a le potentiel de se nourrir et de contribuer à nourrir le monde à travers ses vastes étendues de savane, estimées à elles seules à 400 millions d’hectares, dont seulement 10% (40 millions d’hectares) sont cultivés.

Souveraineté et résilience

Organisé à l’initiative du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), le gouvernement du Sénégal et la Commission de l’Union africaine, le Sommet Dakar 2 se tient sous le thème « Nourrir l’Afrique: souveraineté alimentaire et résilience ». Il s’inscrit dans la suite logique de la première édition tenue en 2015, laquelle avait permis de dessiner les contours de la stratégie Nourrir l’Afrique : Stratégie pour la transformation agricole en Afrique (2016-2025). A ce sujet, la BAD relève qu’après six ans de sa mise en œuvre, cette stratégie a permis à plus de 250 millions de personnes de bénéficier d’améliorations dans le secteur agricole.

Ladite stratégie a également permis de s’attaquer à l’impact causé par la guerre entre l’Ukraine et la Russie sur la sécurité alimentaire en Afrique, en lançant la Facilité africaine de production alimentaire d’urgence, dotée de 1,5 milliard de dollars. Elle a pour objectif d’aider 20 millions d’agriculteurs à produire 38 millions de tonnes d’aliments d’une valeur de 12 milliards de dollars. Il n’est donc pas étonnant que lors de ce conclave, les acteurs du secteur privé s’engageront dans le développement des chaînes de valeur critiques. Quant aux gouverneurs des banques centrales et aux ministres des finances, ils se proposent d’élaborer des accords de financement pour mettre en œuvre les pactes de livraison de produits alimentaires et agricoles, en collaboration avec les ministres de l’agriculture, ainsi qu’avec les acteurs du secteur privé, y compris les banques commerciales et les institutions financières.

Le Sommet de Dakar 2 c’est aussi la diversification de la production alimentaire dans le monde. En effet, à l’échelle mondiale, 828 millions de personnes souffrent de la faim, l’Afrique comptant 249 millions, soit un tiers du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde. Dans cette optique, la réalisation de l’objectif de développement durable numéro 2, sur la faim zéro ne peut être obtenue que si elle est concluante en Afrique. A ce sujet, les Nations Unies ont noté que l’Afrique doit être ciblée prioritairement, car « le nombre de personnes sous-alimentées y augmente plus rapidement que partout dans le monde». Nourrir le monde nécessite donc que les systèmes alimentaires mondiaux soient modifiés pour libérer pleinement le potentiel de production alimentaire de l’Afrique.

Intensifier les efforts

C’est l’appel clair des Nations Unies : « Un changement profond du système alimentaire et agricole est nécessaire si nous voulons nourrir plus de 828 millions de personnes qui ont faim aujourd’hui et les 2 milliards de personnes supplémentaires que le monde aura d’ici à 2050. La productivité agricole et la production alimentaire durable sont essentielles pour aider à atténuer les périls de la faim ». Pour ce faire, il est temps de diversifier davantage les sources d’approvisionnement alimentaire pour l’Afrique, au milieu des effets persistants de la guerre en Ukraine et de ses impacts systémiques à l’échelle mondiale afin de garantir l’approvisionnement alimentaire de l’Afrique.

Désormais, l’essentiel sera de soutenir les efforts visant à libérer le potentiel agricole de l’Afrique, pour une production alimentaire suffisante. Car l’Afrique a tout à gagner, et le monde a aussi tout à gagner d’un tel effort concerté. Enfin, rappelons qu’à l’issue du Sommet de haut niveau, il est attendu que des engagements soient pris par les chefs d’Etat à travers les accords nationaux de livraison d’aliments, de Conseils présidentiels pour les accords de livraison de nourriture et d’agriculture. Il sera aussi question de la mise au point de cadres de financement pour la mise en œuvre des pactes de livraison d’aliments et d’agriculture traditionnels en perspective de l’objectif Faim zéro.

 Il ne pouvait en être autrement. En effet, la forte volonté politique des chefs d’État africains, la disponibilité de technologies et de plateformes pour fournir désormais des technologies agricoles intelligentes, face au dé‑ climatique à l’échelle de millions d’agriculteurs, les succès incroyables de certains pays pour atteindre l’autosuffisance dans des cultures sélectionnées en très peu de temps, tous ces éléments montrent que l’Afrique peut atteindre les objectifs Faim zéro. Cela nécessitera, in fine, des efforts concertés pour produire des résultats de manière mesurable.

Wolondouka SIDIBE, Journaliste (lopinion.ma)

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