La forêt d’Afrique centrale, un deuxième poumon vert à protéger

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La forêt du bassin du Congo est la deuxième surface forestière tropicale de la planète après l’Amazonie. Traditionnellement préservée, la déforestation s’y accélère.

Elle est appelée communément le «deuxième poumon vert» de la planète. Pour sa superficie, d’abord. La forêt du bassin du Congo s’étend sur six pays en Afrique centrale (Guinée équatoriale, Cameroun, Gabon, Congo, République démocratique du Congo, République centrafricaine). Le massif s’étend sur plus de 240 millions d’hectares, ce qui en fait la deuxième forêt tropicale humide du monde, juste après l’Amazonie.

Mais ce deuxième poumon vert est surtout l’un des principaux puits de carbone de la Terre et joue donc un rôle crucial dans la régulation du climat. Alors que les forêts d’Asie du Sud-Est émettent désormais plus de CO2 qu’elles n’en absorbent à cause de la déforestation, et qu’en Amérique du Sud, la forêt amazonienne a atteint un point de bascule, les forêts d’Afrique centrale absorbent une quantité colossale de carbone et stockent l’équivalent de six ans d’émissions mondiales de gaz à effet de serre.

À l’échelle mondiale, ce phénomène, dit de « séquestration » du dioxyde de carbone par les forêts tropicales est menacé, comme ne cessent de le souligner les scientifiques ces dernières années qui ont mis en évidence un pic d’absorption de carbone atteint dans les années 1990, avant de diminuer gravement.

Et si la forêt du bassin du Congo est restée longtemps en dehors de cette tendance négative, elle est aujourd’hui menacée. « La déforestation dans cette région s’est accélérée à partir du début des années 2010. Aujourd’hui, la RDC perd un million d’hectares de couvert forestier chaque année, juste après le Brésil », note Alain Karsenty, économiste des forêts et spécialiste de l’Afrique centrale. Et en Amérique du Sud ou en Indonésie, les arbres ont été rasés massivement pour le grand élevage ou les cultures de soja entre autres, la forêt tropicale centrafricaine fait face à d’autres problématiques.

Agriculture sauvage

Expansion agricole, extraction minière, développement des infrastructures, exploitation forestière… Les facteurs de déforestation sont nombreux. Mais la principale raison, qui entraîne les autres, reste la pression démographique qui s’accroît considérablement depuis plusieurs années. Avec ses 105 millions d’habitants, la RDC est désormais le quatrième pays d’Afrique le plus peuplé.

Cette agriculture sauvage serait directement responsable, à plus de 90%, de la déforestation. Et le phénomène se serait accéléré par un exode rural « lié aux pertes d’emplois dues à la pandémie et à l’augmentation des prix des produits de base, notamment le cacao et le palmier à huile », avance le Global Forrest Watch.

« La densité de la population rurale entraîne directement le développement d’une petite agriculture, moteur direct de la déforestation, explique Alain Karsenty. Pendant plusieurs siècles, l’agriculture itinérante ou rotative permettait à la population de laisser reposer une terre plusieurs années pour aller déboiser une autre parcelle de terre et cultiver ailleurs». Aujourd’hui, l’augmentation de la population réduit les temps de jachère et la forêt ne se régénère plus : « À cela s’ajoute une problématique foncière car beaucoup s’approprient des terres en déboisant simplement pour planter des cultures, comme des palmiers à huile ».

Exploitation du bois

Paradoxalement, en revanche, l’exploitation du bois comme ressource permet plutôt, quand les normes de coupes sont respectées (un à trois arbres par hectare), de préserver la forêt. « Si l’exploitation du bois est légale, bien encadré, c’est une bonne manière de limiter la tentation de convertir les espaces forestiers à l’agriculture », explique Alain Karsenty.

Au Gabon, recouvert à 85% par la forêt, le gouvernement a strictement encadré l’exploitation forestière et lutté contre l’abattage illégal. L’état a aussi ouvert 13 parcs nationaux, couvrant 11 % de son territoire. Le pays œuvre à se construire depuis plusieurs années une image d’élève modèle en matière de protection des forêts. Résultat, la forêt gabonaise est restée intacte à 99%, selon les observateurs. Il faut rappeler que le pays peut s’appuyer, à l’inverse de ses voisins, sur une faible population (2,3 millions d’habitants), principalement urbaine. « Il y a de grand espace vide, et presque aucune paysannerie contrairement à la RDC ou au Cameroun », rapporte Alain Karsenty.

« Les forêts du Gabon captent déjà 140 millions de tonnes de CO2 brut par an, en hausse de 19 millions de tonnes sur dix ans. Notre capture nette représente déjà un tiers des émissions annuelles de CO2 de la France », s’était targué le ministre gabonais de l’Environnement, Lee White, en août dernier. C’est d’ailleurs à Libreville qu’Emmanuel Macron se déplace mercredi 1er mars pour le One Forest Summit. La lutte contre la déforestation représente « 20% de la solution au changement climatique », a aussi déclaré Lee White dans les colonnes du Figaro.

Lire l’article original sur : https://www.lefigaro.fr/sciences/la-foret-d-afrique-centrale-un-deuxieme-poumon-vert-a-proteger-20230301.

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