« L’Ogoniland a été dévasté par des années de pollution pétrolière et les opérations de nettoyage de Shell ont été complètement inefficaces ». Mark Dummet, enquêteur des droits de l’homme de l’ONG Amnesty International, ne mâche pas ses mots en évoquant, dans un communiqué, les efforts de nettoyage du géant pétrolier Anglo-néerlandais dans cette zone pétrolière du delta du Niger, au sud du Nigeria.
Cette vaste opération, vivement souhaitée par l’ONU, serait donc un échec selon l’enquêteur. L’ONG basée à Londres accuse la société pétrolière de ne pas être à la hauteur de l’implication du gouvernement nigérian pour s’attaquer au problème posé par la pollution pétrolière dans l’Ogoniland, une région au cœur du delta du Niger.
Les enquêteurs d’Amnesty International, présents sur le terrain ces derniers jours, ont trouvé du pétrole dans le sol et les cours d’eau environnants, dans des zones que des sous-traitants de Shell étaient pourtant censés avoir récemment dépollué.
« Il est scandaleux que Shell, qui veut désormais que le monde lui fasse confiance pour des opérations de forage dans l’Arctique, n’ait toujours pas réussi, après tant de temps, à appliquer convenablement les directives de l’ONU sur la réponse à avoir face à une pollution aux produits pétroliers », s’est insurgé M. Dummet. L’ONG demande donc à Shell d’améliorer « radicalement » ses opérations de nettoyage.
Amnesty s’est réjoui de la mise en place d’un fonds pour financer le nettoyage, annoncé cette semaine par le président nigérian Muhammadu Buhari et qui devrait être supervisé par le peuple Ogoni. Mais, a estimé l’ONG, ce plan sera un échec sans une implication réelle de Shell. « L’initiative du président Buhari échouera, et le peuple Ogoni continuera à souffrir, tant que Shell ne fera pas de changements conséquents dans la manière dont ils s’occupent du nettoyage de la pollution », a prévenu M. Dummet.
Les dégâts dans cette région symbolisent pour beaucoup la tragédie que représente le pétrole pour le Nigeria, le premier producteur africain.
Des décennies de production ont rempli les poches d’importants responsables gouvernementaux et généré des profits énormes pour des compagnies comme Shell, mais causé une pollution si vaste qu’elle empêche des habitants de cette région de cultiver ou pêcher.
En août 2011, une enquête scientifique sans précédent du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) avait établi l’étendue et l’impact de la pollution pétrolière dans l’Ogoniland. Elle estimait qu’elle pourrait nécessiter l’opération de nettoyage la plus vaste jamais entreprise au monde et durer 25 à 30 ans, et appelait industrie pétrolière et gouvernement nigérian à y participer à hauteur d’un milliard de dollars.
En avril 2013, Shell avait dépêché du personnel dans l’Ogoniland pour la première fois en deux décennies afin de faire un inventaire de ses installations. La compagnie avait alors affirmé qu’il s’agissait d’une « étape-clé » pour se conformer au rapport de l’ONU de 2011.
« En 2011 le PNUE a mis en lumière de nombreux problèmes sérieux dans la manière dont Shell nettoie les sites pétroliers. Nous avons visité plusieurs de ces sites et trouvé du pétrole partout », a relaté M. Dummett. « De ce que nous avons pu constater, peu de choses ont changé depuis », a-t-il déploré.
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