COP21 : Les vraies raisons d’être pessimiste selon Gaël Dérive

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Face aux répercussions locales du changement climatique et à l’envolée mondiale des émissions de gaz à effet de serre, comment ne pas être pessimiste ? S’interroge-t-il à nos confrères Le Point que Vivafrik a repris.

Lors de chacun de mes débats, partout en France, le public me demande inlassablement : « Gaël, êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste face au problème du dérèglement climatique planétaire ? » À chaque fois, ma réponse est brève et sans concession : « Je suis pessimiste, je suis même extrêmement pessimiste. » Bientôt, vous le serez aussi comme moi, car la situation du terrain est frappante, et la réalité des chiffres est ir-ré-fu-table…

Face à la réalité du terrain

Moi le scientifique, moi l’explorateur, moi l’expert, jamais je n’aurais pensé que le dérèglement climatique – le vrai, le réel, celui du terrain – était autant visible, aussi brusque et surtout si profond dans la vie quotidienne des hommes et femmes que j’ai pu rencontrer, sous toutes les latitudes. Il modifie les périodes d’accès à la banquise pour la famille de Jeannie, en Arctique. Il accentue les inondations dans le village de Donildo, au Brésil. Il conditionne les ressources en eau potable de Karakaua, aux Kiribati. Il réduit le rendement des rizières de Nipa, au Bangladesh. Il affecte la culture des pommes de terre de Tsering, au Népal. Il décide du sort du bétail de Satu, en Éthiopie, et par conséquent le sort de sa propre famille. Le dérèglement climatique n’est pas qu’une succession de chiffres, de données, et de rapports. Il influe déjà – aujourd’hui ! – sur les besoins fondamentaux de l’humanité : l’agriculture, l’alimentation, l’eau potable.

Aucun des six hommes et femmes rencontrés à travers le monde ne connaît précisément le processus climatique planétaire, mais tous observent déjà, chez eux, une modification rapide des conditions climatiques : le renforcement des sécheresses pour Satu (en Éthiopie), le retard de formation de la banquise pour Jeannie (en Arctique), la salinisation des lentilles d’eau douce pour Karakaua (auxKiribati) ou l’amplification des inondations pour Nipa (au Bangladesh). Ils m’ont d’ailleurs tous parlé, avec grande précision, de l’évolution locale de leurs conditions climatiques. Pas besoin d’être spécialiste pour constater, chez soi, une évolution rapide du climat.

L’évolution climatique ne s’arrête pas aux frontières. Vous ne pensiez quand même pas que la France était épargnée ? À Grenoble, où je vis, le niveau d’enneigement se réduit de plus en plus sur les sommets environnants, et les vagues de chaleur – comme celle de l’été 2015 – ont aussi été terribles pour les habitants du centre-ville de la cuvette alpine. Pas de doute, le changement climatique est déjà là…

Face à la réalité des chiffres

La réalité des chiffres est im-pla-cable : les émissions mondiales de gaz à effet de serre augmentent de 2,2 % par an sur la dernière décennie (2000-2010), alors qu’elles progressaient de 1,3 % par an sur la période précédente (1970-2000). Les émissions mondiales continuent de croître, et même de plus en plus vite : le rythme s’accélère. Nous ne sommes pas à la hauteur de l’enjeu. Pour maintenir le réchauffement à 2 °C (en 2100) – seuil nécessaire pour que le climat reste supportable pour les besoins humains et surtout pour éviter un risque d’emballement climatique – il faudrait diviser par trois les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2050 (c’est dans seulement 35 ans !), puis avoir des émissions qui atteignent des niveaux proches de zéro ou en dessous en 2100 (c’est-à-dire devenirneutre en carbone). Vous comprenez le chemin qu’il nous reste à parcourir. Pour l’instant, la réaction internationale est inexistante. L’encéphalogramme est plat !

Le début de l’histoire

De retour de mes pérégrinations à l’échelle de la planète, je me pose désormais une question fondamentale : l’espèce humaine – notre propre espèce – est-elle véritablement intelligente ? Si elle n’est pas capable de réagir pour conserver un climat acceptable sur cette petite planète Terre qui nous accueille, alors nous sommes sans aucun doute une erreur de la nature. Dans ce cas, comme je le dis dans mon dernier livre : nous aurions dû rester des singes.

Mais 2015 n’est pas une fin, c’est un commencement. Le dérèglement climatique fait partie de ces combats historiques, car ce n’est pas une simple bataille, futile et passagère, mais une lutte majeure qui durera des décennies, peut-être un siècle ou plus. Aujourd’hui, nous fixons seulement la ligne de départ de ce long marathon. Ce n’est que le début de l’histoire ! À nous d’inventer l’avenir…

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