Déclaration d’organisations citoyennes et écologistes du Sénégal

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Six années après la tenue de la 21ème conférence des parties (COP21) qui a donné naissance à l’Accord de Paris, la COP26 inscrite sous la thématique de l’adaptation, constitue la première étape clé permettant de vérifier le niveau de mise en œuvre et l’efficacité dudit accord. La conférence de Glasgow intervient dans un contexte où plus que jamais, la problématique des changements climatiques appelle à une conscience renouvelée sur notre modèle économique. Elle met à nu les limites de nos modes de vie, tout en soulignant la nécessité pour l’homme de vivre plus en harmonie avec son environnement.

En marge des conclaves de  Glasgow qui viennent de se tenir, les organisations de la société civile sénégalaise se mobilisent autour de l’urgence climatique pour alerter l’opinion publique, les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs et actrices sur les enjeux contemporains. Elles rappellent à l’Etat du Sénégal l’ampleur des engagements antérieurs et la mesure de ses engagements postérieurs face à l’urgence de la limitation des taux d’émissions de gaz à effet de serre, dans un contexte où l’Etat du Sénégal s’engage à démarrer à partir de 2023 une production importante de gaz et de pétrole.

Pendant un mois, à travers trois sessions de débat autour des défis et opportunités de l’exploitation du pétrole et du gaz, de l’évaluation des actifs du Sénégal après prise en compte de l’impact de la pandémie à Covid-19 et de la transition énergétique, ainsi que l’appréciation du niveau d’inclusion des citoyens dans la gouvernance du secteur face aux enjeux de développement durable, des organisations de la société civile et experts nationaux et internationaux réunis ont permis aux organisations citoyennes et écologiques Sénégalaises de dégager la position qui suit.

Nous acteurs (trices) de la société civile au Sénégal,

Fortement préoccupés par l’emballement climatique de la planète et son cortège de conséquences en Afrique en général et au Sénégal en particulier;

Préoccupés par les impacts négatifs observés montrant une tendance à la baisse de la pluviométrie, une hausse des températures moyennes, une élévation du niveau de la mer, des perturbations sur la disponibilité des espaces cultivables, des ressources hydrauliques et halieutiques;

Préoccupés par le niveau de vulnérabilité des écosystèmes au Sénégal, nécessitant un recours à des actions précises d’atténuation et d’adaptation face aux perspectives climatiques futures, afin d’en maîtriser les impacts potentiels, notamment en termes socio-économiques ;

Relevant la fréquence des événements extrêmes (vagues de chaleur, pluies hors saison, perte de terres cultivables) affectant principalement les zones situées au nord et à l’est du Sénégal (Diéry, Sénégal oriental Linguère, etc)

Conscients de la conclusion du dernier rapport du Groupe d’Expert Intergouvernemental sur les Changements Climatiques (GIECC) qui alerte la communauté internationale en ces termes : « nous ne réduisons malheureusement pas suffisamment nos émissions de gaz à effet de serre et que le réchauffement risque de dépasser 3 °C avec des conséquences irréversibles pour l’humanité » ;

Constatant que depuis 2010, les émissions globales au Sénégal s’établissaient à 16 752 Gg de C02 équivalent et celles-ci connaitraient une progression régulière, pour atteindre 37 761 Gg, d’ici 2030 si aucune action n’est faite;

Constatant que depuis 2016, l’Etat du Sénégal s’est engagé à se lancer dans le processus de mise à jour de sa Contribution Prévue Déterminée au niveau National (CPDN) pour en faire une Contribution Déterminée au niveau National  (CDN) qui constitue l’engagement du pays dans le cadre de l’accord de Paris ;

Conscients de l’importance du coût réservé à la mise en œuvre de la Contribution du Sénégal estimée à plus de 13 milliards de dollars US dont :

–           8,7 milliards dédiés à l’atténuation avec 3,4 milliards dollars US, en inconditionnel, et 5,3 milliards US en conditionnel ;

  •          4,3 milliards US pour l’adaptation, dont 1,4 milliards US d’inconditionnel et 2,9 milliards US de conditionnel

Informés de la décision du Sénégal de poursuivre l’exploitation du pétrole et du gaz à travers au moins deux Décision Finale d’Investissement (DFI) signées avec une projection de début de production en 2023 ;

Informés de la volonté déclarée du président de la République du Sénégal d’utiliser le gaz  comme une énergie propre, pour en faire un levier de la transition énergétique ;

Prenant acte des résolutions lors de la Conférence COP26 d’acteurs publics et pays   partenaires financiers à arrêter dès 2022 de financer les projets d’extraction et de production de gaz, de pétrole ou de charbon,

Constatant également l’orientation stratégiques de grandes compagnies pétrolières vers les énergies renouvelables;

Encourageons l’Etat du Sénégal à

  • Promouvoir et davantage vulgariser la Contribution Déterminée au niveau National (CDN), avec une plus grande implication des organisations citoyennes et des communautés
  • Mobiliser les forces vives de la nation autour de l’urgence climatique et à l’adoption des comportements conséquents
  • Mettre en œuvre une Stratégie claire et concertée, des politiques et outils juridiques permettant de réduire considérablement  les émissions carbones
  • Mieux encadrer la gouvernance environnementale des projets pétroliers, à travers des études d’impact environnementales et sociales régulières, une gestion inclusive des Plans des Gestion Environnementale et Sociale (PGES) des exploitations en cours, et une réévaluation des impacts et des externalités négatives des projets pétroliers et gaziers avant l’octroi de nouvelles Décision Finales d’Investissement;

Egalement,

Reconnaissant l’importance des besoins en énergie pour atteindre les objectifs du Plan Sénégal Emergeant et le poids de la dépendance à ses énergies importées dans la balance de paiement du Sénégal;

Conscients de l’importance de l’empreinte écologique des énergies fossiles du fait que les combustibles fossiles sont la principale cause de l’urgence climatique. Charbon, pétrole et gaz sont responsables de près de 80 % de toutes les émissions de dioxyde de carbone depuis le début de la révolution industrielle;

Constatant que depuis 1972 les états se réunissent pour réfléchir sur l’avenir de la planète, de la biodiversité, de l’humanité face à la croissance de la production des énergies fossiles, de l’augmentation des taux d’émissions des GES, de la destruction de la couche d’ozone;

Soulignons que l’option d’une croissance économique essentiellement basée sur l’exploitation intensive des combustibles fossiles s’avère désuète et en déphasage avec le contexte d’urgence climatique;

Soulignons également l’existence de solutions alternatives à travers l’utilisation des énergies renouvelables,  ainsi que les efforts déjà  réalisés par l’Etat  du Sénégal à ce propos;

Appelons les autorités à :

  • Encourager les porteurs de projets pétroliers en cours, à adopter des techniques visant à réduire les émissions de CO2 à défaut de les éradiquer ;
  • Orienter une partie importante des revenus pétroliers escomptés vers le financement de la transition énergétique ;
  • Mettre en place un protocole exigeant d’encadrement des émissions de GES dans le cadre des nouveaux projets pétroliers en cours d’exploration ;
  • Arrêter  un plan de sortie des énergies fossiles en raison de leur absence de durabilité ;
  • Accentuer la promotion des énergies renouvelables à travers leur correcte prise en charge dans les différents budgets sectoriels et la planification locale ;

Fait à Dakar, le 25 Novembre 2021

Les organisations initiatrices :

LEGS-Africa,

Action pour la Justice Environnementale (AJE)

Femmes, Enfance, Environnement (FEE)

Green Senegal

Lead Senegal

Alliance des Acteurs et Métiers des Energies au Sénégal (AMES)

Lumières, Synergie et Développement (LSD)

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