Dépotoir de déchets dangereux : A quand une justice environnementale pour l’Afrique ?

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La 8ème Conférence des parties de la Convention de Rotterdam jumelée  à la 8ème Conférence des parties de la Convention de Stockholm, qui s’est tenue  du 24 mars  au 5 mai 2017 à Genève, en Suisse,  a pris des directives techniques importantes concernant les déchets électroniques et électriques.

Les directives en question  ont également été adoptées dans la Convention de Bâle, qui porte sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux. En effet, les principaux intérêts de la majorité des pays africains  sont désormais pris en compte par la convention de Bale  suite à une position  quasi commune, excepté quelques uns. Il s’agit principalement de l’inscription de nouvelles substances chimiques dangereuses aux annexes des Conventions de Rotterdam et Stockholm, le renforcement des capacités des pays africains au travers des Centres Régionaux. Il ne reste plus que  la mise en conformité des Conventions au niveau national, et une assistance technique et financière pour une mise en œuvre efficace des Conventions dans les pays.

Le signal d’alarme  d’une bombe à retardement

La  situation qui se vit tous les jours sur les trottoirs et les bidonvilles  de nombreux pays africains est très préoccupante. L’inquiétude émane du fait que seuls  les  15%   de la production mondiale des déchets électriques et électroniques sont traités dans des  filières agréées ; qu’advient-il du reste? Mystère et boule de gomme sur cette question. Mais  il est certain que pour dissimuler ces déchets dangereux, la pratique la plus répandue consiste à les maquiller en produits de seconde main et les envoyés dans certains pays africains.  Ils sont largement envoyés en Afrique, et en particulier en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Nigéria et en République démocratique du Congo. Paradoxalement, ces substances dangereuses sont rejetées au cours de diverses opérations de démontage et d’élimination, les rejets étant particulièrement considérables lors du brûlage de câbles pour en extraire le cuivre et de plastiques pour réduire les volumes de déchets. Le brûlage de câbles en plein air est une source majeure d’émissions de dioxine, un Polluant Organique Persistant (POP), transporté sur de longues distances dans l’environnement, et pouvant  se retrouver  dans les organismes en remontant la chaîne alimentaire globale. Par contre, ces mêmes équipements électriques et électroniques renferment aussi, des matières de valeur stratégique,  telles que l’indium et le palladium, ainsi que des métaux précieux, tels que l’or, le cuivre et l’argent. Ceux-ci peuvent être récupérés et recyclés, devenant ainsi une source précieuse de matières premières secondaires et permettant, d’une part, de réduire la pression sur les ressources naturelles rares et, d’autre part, de minimiser l’empreinte écologique globale.

Il reste que les pops que renferment les déchets électriques et électroniques   peuvent se révéler toxiques pour les humains, la flore et la faune, car la gestion de ce type  déchets est tout aussi délicate. Leurs  impacts multiples et nocifs ont  été largement démontrés. Il en est ainsi des pollutions des sols, des eaux superficielles et souterraines, des émissions de gaz à effet de serre, des émissions de produits toxiques et de métaux lourds comme le mercure, surtout dans les principaux pays cités ci dessus ou l’on déverse des quantités astronomiques  de matériels hors d’usage.

On dénombre au quotidien, plus de 100 000 substances chimiques dangereuses rejeté dans l’environnement, un peu partout sur le continent, allant de la fabrication des médicaments aux engins de morts en passant par les pesticides utilisés dans l’agriculture. Certaines ayant donc des desseins plus nobles que d’autres, mais la plupart contribuant ou ayant contribué au développement économique des pays. Mais faut-il sacrifier la santé des hommes, des animaux et  l’environnement sur l’autel du développement de l’industrie chimique ? Ce qui est certain  du fait de la croissance industrielle tant dans les pays du nord que sur le continent, la production de DEEE devrait encore grimper pour atteindre 50 Millions de tonne en 2018. A noter que 60 à 90% des tonnages qui rentrent dans le continent  sont toujours illégalement importés ou subissent un mauvais traitement sur le continent. En plus,  la majorité des déchets d’équipements électriques et électroniques neufs ou d’occasion sont désormais produits sur le continent, la consommation intérieure est le principal facteur contribuant à l’augmentation des déchets électroniques en Afrique. Par conséquent, l’exposition aux substances dangereuses aux sites de démontage et dans les alentours pose de multiples risques pour la santé et la sécurité des personnes qui ramassent et recyclent les déchets ainsi que pour celles de la population voisine.

L’on se souvient encore des dégâts sanitaires de l’extraction dangereuse du plomb dans les déchets électroniques à des fins commerciales chez les enfants et femmes de Thiaroye sur mer au Sénégal qui s’adonnaient à cette activité. Cette exploitation malheureuse du plomb avait occasionné 18 cas de décès recensés, sans compter le nombre de malades occasionnés dont certains trainent encore des séquelles.

Comment désamorcer la bombe  à retardement ?

Ne sommes-nous pas devant  une bombe écologique à retardement, sur le plan sanitaire et environnemental, avec des quantités importantes  de mercure, de plomb et de retardateurs de flamme bromés ?

La seule réponse  à cette menace qui plane sur le continent, comme une épée de Damoclès, est que l’’Afrique doit parler d’une seule voix. Avoir une approche commune en matière de gestion des substances chimiques.

Donc, il faut que l’ensemble des pays africains  fassent un front et un bloc uni dans la lutte contre la prolifération des POPS. Mais si individuellement, chaque pays au regard de ses intérêts propres va en négociation, ce n’est pas évident que l’on puisse désamorcer la soi-disante bombe. Or l’Afrique peut se faire entendre, à condition qu’elle  parle d’une seule voix pour contraindre les  pays industrialisés à  investir dans le traitement des déchets qui sont  à l’origine de la diffusion de ces substances  et  exiger l’instauration de ce que l’on peut appeler une «  justice environnementale internationale ».

Pour rappel la conférence avait pour objectifs de permettre aux Etats parties aux trois conventions de tenir des consultations avant la tenue des réunions des conférences des parties, d’examiner les documents de réunions et de discuter des questions substantielles à l’ordre du jour des réunions. Il s’est agit aussi d’identifier les priorités et questions communes au niveau régional et de faciliter la préparation des positions régionales.

La Convention de Bâle est relative au contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination.  La Convention de Stockholm concerne les polluants organiques persistants (POPs), alors que la Convention de Minamata porte sur l’utilisation du mercure. Tandis que la convention de Rotterdam concerne le commerce de certaines substances chimiques ; elle facilite donc l’échange d’informations sur les produits chimiques et instaure un processus de décision nationale quant à l’importation et l’exportation de substances potentiellement dangereuses pour la santé des personnes et pour l’environnement.

Les trois conventions constituent des éléments centraux de la «gouvernance environnementale internationale». Mais, contrairement aux deux autres accords, la Convention de Rotterdam prévoit un droit de veto pour chaque Etat membre.

Par Bacary SEYDI

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