Sur ce sujet en tout cas, Joe Biden affiche des positions aux antipodes de son prédécesseur. Quand Donald Trump a affiché à de multiples reprises son scepticisme sur la réalité du changement climatique, le démocrate y voit un « danger essentiel pour l’humanité » et évoque l’« impératif moral de s’y attaquer » dans les plus brefs délais. Mais comment compte-t-il s’y prendre ? Et avec quels moyens ?
Sera-t-il simple de retourner dans l’accord de Paris sur le climat ?
Il s’est passé quatre années entre le moment où Donald Trump a officialisé le retrait du pays et celui où il a été effectif… mercredi dernier. Le processus inverse sera beaucoup moins long, assure David Levaï, chercheur associé à l ’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et à la Fondation des Nations Unies à Washington, spécialiste des questions de gouvernance internationale du climat. « Il ne suffira que d’une lettre du président pour demander la réintégration, explique-t-il. Il ne pourra la faire qu’une fois entré dans ses nouvelles fonctions, le 20 janvier. Voilà pourquoi il évoque ces 77 jours dans un tweet ».
Ce retour sera d’autant plus facile que la communauté internationale le souhaite. « Le retrait de Trump de l’accord n’a pas eu l’effet d’entraînement un temps craint, reprend David Levaï. Tous les pays restent ainsi impliqués dans l’idée de décarboner l’économie mondiale en 2050. Pour y parvenir, on a besoin des Etats-Unis, première économie mondiale et deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre.»
Avec Joe Biden président, les Etats-Unis reprendront à leur compte l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, cap que se sont déjà fixé une soixantaine de pays dans le monde. Francis Perrin, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste de la politique énergétique des Etats-Unis, s’attarde surtout sur le deuxième grand objectif climatique que s’est fixé le démocrate : arriver à une production électrique 100 % décarbonée en 2035. « L’objectif est très ambitieux, note-t-il. Quinze ans est un délai très court dans le secteur de l’énergie et la marche est encore grande à franchir, même si les Etats-Unis sont parmi les pays leaders sur les énergies renouvelables ». Le mix électrique américain repose encore en effet beaucoup sur des énergies fossiles. Le charbon à 30,1 % et le gaz naturel à 31,7 %.
Pour mettre les Etats-Unis sur de bons rails, Joe Biden prévoit de mettre de l’argent sur la table : 2.000 milliards de dollars sur quatre ans pour « une relance verte », a-t-il annoncé, dont un quart consacré aux énergies décarbonées. « Ce qui, pour Biden, comprend l’éolien, le solaire, mais aussi le nucléaire, qu’il souhaite relancer aux Etats-Unis », précise Francis Perrin.
Biden veut aussi construire un million de bâtiments efficients énergétiquement pendant son mandat, développer les véhicules électriques, via des crédits d’impôts pour les classes moyennes ou le déploiement massif de bornes de recharge électrique, pour arriver à 500.000 à l’horizon 2030.
En parallèle, Joe Biden cherchera aussi à restaurer les lois et textes réglementant la protection de l’environnement que son prédécesseur a détricoté pendant son mandat. Donald Trump avait notamment marqué les esprits en abrogeant le Clean Power Plan, signé en août 2015 par Barack Obama et qui devait réduire fortement la part du charbon aux Etats-Unis. L’« Affordable Clean Energy rule », qui l’a remplacé, était beaucoup plus permissif. Ce n’est qu’un exemple. « Le New York Times en a compté une centaine dans un article auquel Joe Biden avait répondu en disant vouloir revenir dessus », signale Francis Perrin.
Un Sénat qui reste républicain… la grosse épine dans le pied ?
C’est encore du conditionnel, mais c’est l’hypothèse la plus vraisemblable : le Sénat, l’une des deux chambres du Parlement américain, devrait rester aux mains des républicains, ce qui promet à Joe Biden un mandat compliqué dès son entame. « C’est terrible pour lui, car pour faire voter une loi, il faut obligatoirement que les deux chambres acceptent le même texte, explique Jean-Daniel Collomb. C’est quasiment impossible aujourd’hui lorsqu’elles ne sont pas entre les mains du même parti ». Les antagonismes entre républicains et démocrates semblent trop importants pour espérer des compromis.
Et quand un président ne peut plus faire passer des lois, l’alternative est de passer par la voie administrative. Soit les réglementations et autres décrets présidentiels. C’est ce qu’a fait Barack Obama sur les sujets climatiques lors de son deuxième mandat et alors qu’il n’avait, lui non plus, pas le contrôle des deux chambres. « Le bémol, avec cette stratégie, est que ces réglementations sont sans arrêt attaquées en justice », raconte Jean-Daniel Collomb. « Et elles sont aussi bien plus faciles qu’une loi à détricoter par un éventuel successeur », poursuit David Levaï. Donald Trump en a apporté la preuve.
Avec 20minutes