Amazonie : la plus grande forêt du monde n’aura bientôt plus la force de se relever

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Par Nathalie Mayer       

La forêt amazonienne est menacée. Par un réchauffement climatique et par des opérations de déforestation qui la fragilisent. Des chercheurs le confirment aujourd’hui. Ils apportent des preuves empiriques directes que la forêt amazonienne perd de sa résilience. Et s’approche ainsi dangereusement de son point de basculement.

La forêt amazonienne se consume à un rythme sans précédent. Les incendies en Amazonie brésilienne sont en hausse de 34% par rapport à l’an dernier. Ils sont provoqués par la sécheresse et la déforestation et ont des conséquences dramatiques.

Au mois de janvier dernier, les chiffres de l’Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE) nous alertaient une fois de plus. L’Amazonie brésilienne venait de perdre, au cours de ce seul mois, 430 kilomètres carrés de forêt. Pour vous faire une idée, sachez que cela représente environ quatre fois la surface de la ville de Paris. Mais surtout, c’est pas moins de… cinq fois plus qu’en janvier de l’année dernière. Alors même que le gouvernement promettait, récemment, de maîtriser la déforestation de l’Amazonie.

Rappelons que la forêt amazonienne, c’est la plus grande forêt tropicale au monde. À elle seule, elle compte même pour plus de la moitié des forêts tropicales. Elle abrite une biodiversité inestimable. Tout en jouant un rôle majeur dans le système climatique terrestre. Par son influence sur les précipitations de tout un continent et par les quantités colossales de carbone qu’elle stocke.

Aujourd’hui, une équipe internationale de chercheurs publie — dans le cadre du projet Tipping Points in the Earth System (TiPES), un projet dédié à l’étude des points de basculement — une étude qui conclut que, depuis le début des années 2000, plus des trois quarts de la forêt amazonienne ont perdu leur résilience. Comprenez, de leur capacité à se relever d’une perturbation quelconque. Qu’il s’agisse d’une opération de déforestation, d’une tempête ou d’un feu de forêt.

Réchauffement climatique et déforestation

Ce résultat, les chercheurs le tirent non pas de prévisions de modèles climatiques, mais d’une analyse statistique approfondie de 30 années de données satellitaires de la région. Les chercheurs ont travaillé notamment sur ce qu’ils appellent l’épaisseur optique de la végétation — ou VOC pour végétation optical depth — qui leur donne une idée assez précise de la quantité de biomasse et de la teneur en eau dans les plantes. Un indicateur qui trahit l’efficacité avec laquelle la végétation se relève d’une perturbation. Et ils ont ainsi observé des pertes de résilience plus prononcées dans les zones les plus sèches. Mais aussi dans les régions situées dans un rayon de quelque 200 kilomètres d’installations humaines.

L’étude révèle que cette perte de résilience rapproche la forêt amazonienne de son point de basculement. Le point auquel l’écosystème subirait un changement brutal. Elle note en effet ce que les chercheurs qualifient de ralentissement critique de la dynamique de l’écosystème. Un ralentissement observé toujours dans les données caractérisant la biomasse et la verdeur de la forêt. Un ralentissement qui signe un affaiblissement des forces de rappel capables de ramener la forêt à son équilibre après des perturbations.

Si la forêt tout entière — ou même quelques régions — venait à basculer, elle se transformerait en un habitat bien plus sec, de type savane. Et si les chercheurs restent incapables de prévoir à quel moment ce basculement pourrait se produire, ils estiment toutefois que le point de non-retour n’a probablement pas encore été franchi. Qu’il est donc toujours possible d’éviter le pire.

La « savanification » de la forêt amazonienne pourrait mener à l’émission de 90 gigatonnes de CO2. L’équivalent de plus de deux fois les émissions mondiales d’une année. Avec les conséquences de l’on imagine sur le réchauffement climatique.

Comment ? En agissant sur les zones que ces travaux identifient comme les plus menacées. Les zones les plus sèches et les zones les plus marquées par la présence humaine. Puisque les modèles climatiques montrent que le réchauffement va assécher la région, il y a, sur ce front aussi, urgence à limiter nos émissions de gaz à effet de serre pour contenir ce changement climatique. Et puisque notre empreinte blesse la forêt amazonienne, il apparaît tout aussi indispensable de réduire, de manière drastique, l’exploitation forestière dans la région.

Nathalie Mayer, Journaliste      

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