« 385 millions de personnes sont victimes d’empoisonnement par les pesticides », regrette le directeur de la Fondation Heinrich Böll Sénégal

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« L’utilisation excessive des pesticides engendre des problèmes de santé et de dégradation des sols, nuisibles pour l’écosystème. Chaque année, 385 millions de personnes sont victimes d’empoisonnement par les pesticides, les agriculteurs étant les plus exposés. Cependant, les pesticides affectent également ceux qui ne travaillent pas directement dans ce secteur, contaminant l’environnement et la nourriture. Dans des pays à faible revenu comme le Burkina Faso, jusqu’à 83% de la population agricole active est touchée par des empoisonnements », a regretté le directeur de la Fondation Heinrich Böll Sénégal.

Fabian Heppe s’exprimait ce mardi 7 mai 2024 à Dakar à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de la « Journée nationale de réflexion sur les enjeux et les risques liés à l’utilisation des pesticides chimiques de synthèse au Sénégal ». La Fondation Heinrich Böll Sénégal en collaboration avec Enda Pronat a profité de cette rencontre pour présenter l’Atlas des Pesticides produit par la Fondation.

Rappelons que la Fondation Heinrich Böll, en tant qu’organisation qui promeut un développement durable respectueux de l’environnement et des droits humains a déjà publié une série d’Atlas thématiques, notamment l’Atlas de l’Océan, l’Atlas de la Viande, l’Atlas des sols et l’Atlas du plastique.

Idéalement, les pesticides sont utilisés pour prévenir les pertes de rendements agricoles. Au Sénégal par exemple, l’agriculture intensive est privilégiée pour garantir la sécurité alimentaire face aux défis croissants auxquels le pays est confronté notamment en matière de santé publique et de l’environnement, mais également en termes de souveraineté en raison d’une forte dépendance aux importations.

Cette situation explique l’essor de ces pesticides en Afrique. « En effet, l’Afrique dépend de plus en plus des pesticides agricoles. Ainsi, 33 millions de petits exploitants agricole du continent noir sont ciblés par les fabricants qui y vendent également des substances interdites dans l’Union européenne », a souligné M. Heppe.  

« Cet usage excessif de pesticides au Sénégal peut avoir plusieurs impacts négatifs sur l’environnement, la santé humaine et la biodiversité tels que la contamination des sols, des eaux souterraines et des cours d’eau, affectant la qualité de l’eau et la santé des populations. De plus, l’utilisation intensive de pesticides peut également aboutir à la résistance des parasites et des insectes aux produits chimiques, entrainant une augmentation dangereuse des doses utilisées et rendant les traitements moins efficaces à long terme », a-t-on clarifié dans un document remis à la presse.

« Face à ces dangers, des mesures significatives ont été prises au Sénégal. La Direction de la protection des végétaux (DPV) a pour mission de mettre en œuvre la règlementation sur les pesticides et d’émettre des avertissements agricoles. L’adoption du programme pour la souveraineté alimentaire durable en 2022 vise à réduire de 30% l’utilisation d’intrants de synthèse d’ici à 2025. Cependant, en raison du manque de contrôle et de traçabilité, les risques de contamination et d’intoxication persistent », a renchéri le directeur de la Fondation Heinrich Böll Sénégal.   

Les pesticides agricoles, pierre angulaire de la révolution verte considérées à bien des égards comme une avancée révolutionnaire pour protéger les cultures des ravageurs et des maladies, améliorer les rendements agricoles et répondre aux besoins alimentaires d’une population en constante évolution, ces substances ont sans aucun doute contribué à accroître la productivité agricole et à garantir la sécurité alimentaire dans de nombreuses régions du monde. Cependant, derrière ces avantages se cachent des conséquences inquiétantes pour la santé humaine et de l’écosystème. Leur utilisation est néanmoins difficilement quantifiable à cause d’un marché illicite qui augmente rapidement depuis plusieurs années, a de son côté, fait valoir Jean Michel Waly Sène, secrétaire exécutif de Enda Pronat.

A l’en croire, l’Afrique est le continent qui utilise le moins de pesticides en volume et pourtant c’est la région du monde où ces produits dangereux font le plus de dégât. « Cela nous met aujourd’hui face à une crise sanitaire silencieuse, où l’exposition aux pesticides agricoles est devenue omniprésente, touchant les travailleurs agricoles, les communautés rurales et même les consommateurs finaux à travers les résidus présents dans les aliments », a-t-il dit.

Poursuivant son allocution, le secrétaire exécutif de Enda Pronat a ajouté que les preuves scientifiques sur les effets néfastes de ces produits sur la santé humaine et de l’environnement s’accumulent, mettant en lumière des liens troublants avec des maladies chroniques telles que le cancer, les troubles neurologiques et la stérilité.

« Nous sommes aussi témoins de la disparition alarmante des pollinisateurs essentiels tels que les abeilles, de nombreux cas d’intoxication alimentaire critiques, la pollution des eaux, sans pour autant susciter une prise de conscience massive au sein des populations, surtout chez les couches les plus exposées, c’est-à-dire les agriculteurs et chez les couches les plus vulnérables », s’est alarmé M. Sène.

« Dès qu’on parle de pesticides, les gens pensent à la DPV parce que tout simplement on a tendance à penser que nous sommes les grands pollueurs dans mesure où ils estiment que tout ce que nous utilisons, sont des pesticides de synthèses qui sont très néfastes, a d’abord clarifié Assa Balayara, représentante du directeur général de la DPV.

Au contraire, la DPV vise à promouvoir une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la santé, en encourageant l’adoption de pratiques agro-écologiques, le développement de solutions biologiques et le soutien aux agriculteurs qui choisissent des méthodes de production plus durables, a relevé la représentante du directeur général de la DPV.

Moctar FICOU / VivAfrik

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