Et si les agriculteurs africains avaient accès aux technologies de semences nécessaires ?

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 Par Gilbert Arap Bor

Des médias et des chercheurs de confiance nous ont dit que le Kenya était sur le point d’accepter la biotechnologie dans l’agriculture. Je l’ai dit moi-même. Et maintenant, le président Kenyatta semble dire la même chose. Le Business Daily a récemment rapporté que « Le président Uhuru Kenyatta parie sur la production de masse de coton génétiquement modifié pour créer 50 000 emplois. »

Un autre rapport récent, celui du Centre Africain des Biosciences (CABI) affirme que « l’agriculture est essentielle à la croissance économique de l’Afrique subsaharienne, et pourtant les rendements agricoles moyens en Afrique sont parmi les plus bas au monde. Plus de 80% d’entre eux en dépendent, mais nombreux sont ceux qui ont des difficultés à produire suffisamment de denrées de bonne qualité ».

Il est vrai que les agriculteurs savent que certaines années sont bonnes et d’autres mauvaises.

Avec les pluies qui sont arrivées plutôt tôt cette année, j’ai commencé, comme beaucoup d’autres agriculteurs kényans, à semer du maïs dans ma petite ferme de Kapseret, dans le comté de Uasin Gishu. Cette fois-ci, j’espère que l’année sera meilleure que le cauchemar de 2017, quand j’ai subi ce qui pourrait être la pire année de ma vie dans l’agriculture. C’est comme ça que je me souviendrai de 2017.

Sur mes terres dans l’ouest du Kenya, tout s’est mal passé. D’abord, après le semis dans la dernière semaine de mars, une période de sécheresse a frappé notre région. Mes cultures n’ont pas germé et j’ai dû ressemer à la mi-avril. À nouveau, les graines ont dû lutter pour germer et pousser.

Les reportages ont décrit l’épreuve comme la pire sécheresse en Afrique de l’Est depuis six décennies. C’était certainement la pire que j’aie jamais vue.

Puis vinrent les ravageurs. Les chenilles légionnaires – des larves de papillons qui attaquent avec une férocité militaire – se sont régalées de mon maïs. J’ai essayé de les contrôler avec des insecticides fournis par le gouvernement de mon comté, mais elles m’ont submergé. En raison de leur assaut implacable, j’ai perdu plus de la moitié de ma récolte.

Si rien d’autre n’avait mal tourné, l’horrible sécheresse de la saison des semailles et l’infestation par les légionnaires qui a suivi auraient fait de 2017 une année terrible pour l’agriculture.

Mais les choses sont allées de mal en pis. Les pluies battantes de septembre et d’octobre ont emporté une partie de ce qui restait de mes récoltes. Au moment de la récolte, il ne restait presque plus rien ; la plus grande partie de ce qui restait à récolter avait été endommagée par la pluie.

Les agriculteurs souffrent rarement seuls : d’autres producteurs de ma région ont partagé mon triste sort. Et quand le grenier du Kenya ne produit pas, les gens ont faim. Ils souffrent aussi d’autres façons. Je suis convaincu que la récente agitation politique de mon pays, avec ses protestations violentes et ses élections présidentielles annulées, était due au moins en partie à l’insécurité alimentaire.

Cela me fait réfléchir : les choses doivent-elles être comme ça ?

Si le Kenya avait adopté les technologies OGM il y a des années, quand il en avait la première occasion, nous aurions probablement réduit nos pertes. Les plantes présentant des caractères de résistance à la sécheresse auraient peut-être survécu à la période de sécheresse. Les cultures résistantes à des parasites auraient peut-être fait face aux chenilles légionnaires. Les cultures résistantes aux inondations auraient peut-être survécu aux pluies torrentielles.

Tout aurait pu être un peu mieux

Malheureusement, notre gouvernement a tergiversé pour la commercialisation des produits que les agriculteurs de nombreux autres pays tiennent pour acquis. En Amérique du Nord et du Sud, les agriculteurs ont planté des millions et des millions d’hectares d’OGM. Les agriculteurs de pays africains tels que l’Afrique du Sud et le Burkina Faso [ma note : ce n’est – provisoirement ? – plus le cas au Burkina Faso] utilisent également des OGM. Pour eux, les OGM sont ordinaires et conventionnels – et j’envie ce qu’ils ont.

Je ne peux pas m’empêcher de penser que les semences GM auraient aidé le Kenya à relever ses défis en matière de sécurité alimentaire en 2017. Nous sommes maintenant confrontés à une famine imminente ; de nombreuses régions du pays ont été touchées par des pénuries alimentaires.

Je serai le premier à admettre que le salut ne vient pas seulement des OGM. La technologie ne peut pas vaincre Mère Nature : il y a simplement des années qui sont mauvaises pour l’agriculture. Pourtant, les OGM ont le potentiel de rendre les mauvaises campagnes un peu moins terribles et de transformer les bonnes campagnes en grandes saisons, d’autant plus que nous sommes aux prises avec le changement climatique et d’autres problèmes.

Les régulateurs de la biosécurité du Kenya prévoient enfin de nous laisser faire un pas en avant important en 2018, et ce, en autorisant des essais en plein champ de maïs par la KALRO [Organisation Kényane de Recherche en Agriculture et Élevage] et l’AATF [Fondation Africaine pour les Technologies Agricoles] à Kitale, non loin de chez moi. Si ceux-ci réussissent, nous pourrions profiter de la commercialisation des semences de maïs GM d’ici 2019. Le cotonnier GM est également sur les rangs !

Les Ougandais adopteront les OGM

Mieux vaut tard que jamais, mais encore une fois, cette innovation n’arrive pas assez tôt. Lorsque les agriculteurs kényans auront accès aux semences GM, la sécurité alimentaire de notre pays s’améliorera presque immédiatement. Cela ne résoudra pas toutes nos difficultés en agriculture, comme les mauvaises routes et l’accès limité au crédit, mais cela nous aidera à mieux nourrir nos gens.

Nous devons également rester dans la course avec les agriculteurs de l’Ouganda voisin, dont le Parlement a approuvé en octobre l’adoption des OGM [ma note : comme rapporté sur ce site, il y a eu un nouveau contretemps]. Cette décision éclairée donnera aux agriculteurs ougandais les moyens de résister à la flétrissure du bananier, une maladie bactérienne mortelle qui touche une culture de base. (Pour comprendre le problème, plus le potentiel de la biotechnologie pour le résoudre, voir « Food Evolution », un excellent nouveau documentaire qui inclut des images d’Ouganda, d’Afrique du Sud et d’ailleurs.) Comme le dit le Genetic Literacy Project [Projet d’Alphabétisation Génétique], nous avons besoin de cultures qui sont génétiquement améliorées pour résister aux changements climatiques, à la faible disponibilité en eau, à la salinité croissante des sols et aux attaques de pathogènes et d’insectes.

Les Kényans commercent beaucoup avec les Ougandais, et ma ferme est en fait plus proche de la frontière que de Nairobi, le centre économique et politique de mon pays. Lorsque les Ougandais adopteront les OGM, nous verrons des produits alimentaires ougandais inonder nos marchés : les bananes, le maïs, le riz, le sorgho, le manioc, le sucre et plus encore.

les agriculteurs continueront à avoir de bonnes années et de mauvaises années

C’est une bonne chose parce que le commerce a la capacité d’améliorer la situation de tout le monde. Les personnes affamées ne se soucient pas de savoir où leur nourriture a été produite. Après tout, les journaux rapportent que le Kenya prévoit d’importer pour Kes. 6.6 millions [53.000 euros] de maïs de l’Ouganda. Pourtant, nous voulons aussi que nos propres agriculteurs soient compétitifs et puissent exporter des produits alimentaires kényans en Ouganda et ailleurs. C’est une bonne démarche économique. C’est aussi une bonne chose pour la sécurité alimentaire, pour nous et pour les autres.

Le succès exigera l’accès aux dernières technologies. À l’heure actuelle, nous sommes un peu en retard par rapport à l’Ouganda, et bien plus par rapport au monde développé. Nous devons rattraper ce retard.

Si nous le faisons, les agriculteurs continueront à avoir de bonnes années et de mauvaises années, mais peut-être que les pires ne seront pas aussi difficiles que 2017 ; la campagne 2018 a peut-être démarré sur de bonnes bases : le président Kenyatta mise sur le cotonnier Bt pour mener à bien son programme Big 4 et les pluies sont plus que suffisantes.

* Gilbert Arap Bor est agriculteur, à Kapseret, Kenya. Il cultive du maïs, des légumes et a des vaches laitières sur une petite ferme de 10 hectares près d’Eldoret, au Kenya. M. Bor, professeur à l’Université catholique de l’Afrique de l’Est, à Eldoret Campus (Gaba), est un membre du Truth About Trade & Technology Global Farmer Network et a reçu en 2011 le Kleckner Trade & Technology Advancement Award.

2 Commentaires

  1. Des milliers de paysans indiens se sont suicidés à cause des rêves qu’on avait suscité chez eux par l’introduction des OGM. Ce rêve est devenu un cauchemar. De nombreux documentaires existent sur cette question des OGM. Ne laissons pas les grands lobbies s’emparer de l’agriculture africaine ; elle mérite mieux que cela. pendant que de nombreux agriculteurs en Amérique du Nord et en Amérique laine abandonnent cette agriculture destructrice que sont les OGM nous n’allons tout de même aps encourager les paysans africains à écouter les mêmes mensonges. A détruire leurs sols et la santé de leurs enfants

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