Les eaux sénégalaises sont victimes de la surpêche industrielle, menée notamment par les chalutiers chinois. Ce phénomène provoque la colère des pêcheurs sénégalais dont l’activité s’appauvrit de mois en mois. Selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie, le produit annuel de la pêche artisanale au Sénégal a chuté de 13% entre 2005 et 2018.
Face à cette situation, le Cadre de concertation des acteurs de la pêche artisanale (CCAPAS) compte observer une journée morte en mi-février pour dénoncer les nombreuses difficultés que le secteur de la pêche vit depuis bientôt deux ans. Les membres du CCAPAS vont, en outre, adresser un mémorandum et une lettre ouverte au président de la République, Macky Sall, pour demander la tenue du Conseil présidentiel sur la pêche qui est annoncé depuis bientôt deux ans.
Selon eux, la surpêche industrielle pratiquée par les navires chinois déstabilise le secteur de la pêche qui emploie 17 % de la population active sénégalaise. Suffisant pour les pêcheurs locaux de réclamer la « transparence » sur les activités de ces bateaux au large des côtes de leur pays.
Après six rencontres avec leur ministre de tutelle sans trouver une solution à la crise qui mine le secteur de la pêche depuis bientôt deux ans, les acteurs de la pêche artisanale ont mis sur pied un cadre de concertation pour trouver des solutions au secteur qui vit des moments très difficiles.
« Nous vivons toujours le problème de la rareté de la ressource et sans cela, le secteur de la pêche va vivre une crise profonde et tout le monde connaît les raisons. Nous avons tenu des rencontres avec le ministre de la Pêche à six reprises, sans aucune solution. Donc, il est temps que le président de la République prête une oreille attentive à nos problèmes. Mais nous sommes très inquiets parce que nous avons entendu Macky Sall tenir des propos qui font peur », a souligné Pierre Mboup, coordonnateur du Cadre de concertation des acteurs de la pêche artisanale qui n’a pas mis de gants pour dessiner un tableau sombre de leur secteur d’activité, ainsi que du manque de volonté du ministre de la Pêche et de l’économie maritime.
A l’en croire, les pêcheurs ne peuvent pas aller là où se trouvent le thon et le merlu. Et ce n’est pas Ousseman Diop, un autre pêcheur de Mbour qui va le démentir. « Je n’arrive plus à subvenir à mes besoins », soupire-t-il devant l’indigence de ses prises. En écho, un peu plus loin, un autre pêcheur, flottant dans sa combinaison orange, s’accable du « déclin » de l’activité ces dernières années. « Je pêchais avant 50 kg par jour, précise-t-il. Aujourd’hui, j’arrive à peine à 10 kg ».
Le ministre a aussi accusé Me Abdoulaye Wade d’avoir vendu aux étrangers la sardinelle à 15FCFA, il avait interpellé ce dernier en lui disant que les Sénégalais ont le droit de manger du « Thiof ». « Récemment nous avons entendu dire que nos pêcheurs ne peuvent pas aller là où il y a les plateformes pétrolières. C’est pourquoi, nous lui demandons qui le conseille ».
Selon lui, ces propos du ministre prouvent que le chef de l’Etat ne maîtrise pas le secteur de la pêche et qu’il est très mal conseillé : « Un président de la République doit tenir envers ses concitoyens, des propos corrects. Je lui dis que même les pirogues qui font 8 mètres ou 9 mètres peuvent aller jusqu’à 150 kilomètres pour pêcher. Et les pirogues qui rallient l’Espagne, elles passent par où ? Et les pirogues qui vont en Guinée-Bissau, qui font plus de 2 000 kilomètres ? Pourtant la plateforme de Sangomar est juste à 150 kilomètres, celle de Diattara à Saint-Louis est juste à 80 kilomètres. Donc, il doit revoir son entourage et ceux qui le conseillent en matière de pêche», a indiqué le coordonnateur du cadre de concertation.
Qui prévoit des tournées de sensibilisation auprès des chefs religieux et de poser d’autres actes. « Nous allons écrire un mémorandum et une lettre ouverte que nous allons adresser au président de la République mais également cette lettre sera suivie d’une journée morte. Les acteurs de la pêche artisanale vont observer une journée morte durant la mi-février où il n’y aura pas de travail du tout, pour montrer les difficultés que nous vivons au quotidien. Nous allons auparavant organiser les assises nationales de la pêche d’ici au 15 janvier 2022, parce que ceux qui doivent l’organiser font la sourde oreille malgré nos multiples interpellations. Donc, ces assises viseront à trouver des solutions à ces problèmes», a renseigné Ameth Wade, porte-parole du cadre de concertation.
Ces acteurs se disent également inquiets de la construction du port de Ndayane. « L’espace des pêcheurs sera réduit, ce qui constitue un grand problème pour les pêcheurs. Malgré que la première pierre ait été posée, les populations ne sont toujours pas d’accord. En plus de ça, avec les plateformes pétrolières, ils vont prendre d’autres zones de pêche, il faut que nos autorités sachent que nous faisons partie de la population », se désole Pierre Mboup.
Moctar FICOU / VivAfrik