Climat : « Les intérêts nationaux priment hélas devant l’intérêt mondial », constate Gahouma Bekale

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La ville écossaise de Glasgow accueille à partir du dimanche 31 octobre, la COP 26, la Conférence de l’ONU sur le climat. Les défis sont énormes pour la planète. Les experts décrivent des changements climatiques qui risquent de devenir irréversibles et vont frapper de plein fouet les populations les plus fragiles. Lors d’une interview accordée à Laurent Correau de Radio France internationale (RFI), le président du Groupe africain des négociateurs sur le changement climatique à la COP 26, le Gabonais Tanguy Gahouma-Bekale a interpelé les dirigeants mondiaux en ces termes : « le temps de la négociation est fini, maintenant c’est le temps de l’action ».

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUD) estime qu’il faudrait des ambitions sept fois plus importante pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Qu’est-ce qui ce constat ? Est-ce la faiblesse des engagements internationaux ou une dégradation accélérée de la situation ?   

Il ne s’agit pas d’une dégradation accélérée de la situation. Aujourd’hui, nous avons une situation qui est totalement irréaliste. Nous avons des engagements dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. Tous les pays sont engagés. Ils doivent réduire leurs objectifs conformément aux objectifs de l’accord de Paris de 45% d’ici à 2030 et malheureusement, les intérêts nationaux priment devant l’intérêt mondial. L’ensemble des contributions qui ont été publiées montrent que le monde va vers un objectif de quasiment 3°C donc va accroître de 10% ces émissions d’ici à 10 ans.

Ce qu’explique le PNUE c’est que le monde a huit ans pour réduire les émissions annuelles de CO2 de 28 gigatonnes. A quoi correspond cette échéance de 2030 ? Pourquoi faut-il réussir cette réduction avant 2030 ?

Parce qu’après 2030, le cumule de dioxyde de carbone et des autres gaz à effet de serre qui seront dans l’atmosphère seront trop peu élevés. C’est pourquoi le Groupe Afrique appelle justement à ce que le support financier, que les efforts en termes de mitigation ne soient pas fait dans 2 deux, 3 ou 4 ans parce qu’il sera trop tard. Aujourd’hui, nous avons fini de négocier. La COP26 où nous sommes va finir avec tous les détails des règles de procédures des détails de mise en œuvre de l’accord de Paris. A présent, il n’y a plus de négociations. Les COP devront désormais permettre de reporter sur les résultats, de rendre compte sur les efforts qu’on a fait. Le temps de la négociation est fini, maintenant c’est le temps de l’action.

Ce que vous dites Tanguy Gahouma Bekale, c’est qu’il faut appliquer maintenant les accords qui ont été signés ?

Exactement. Il n’y a plus de raison de perdre du temps. On a perdu deux ans à cause du Covid-19. Aujourd’hui, on a ce rapport alarmant et qui nous dit que nous sommes en retard et que nous avons encore une dernière chance de tacler la trajectoire des changements climatiques. Donc, nous devons la saisir. Mais aujourd’hui, malheureusement, que ça soit sur le plan financier ou sur le plan de l’atténuation, nous sommes totalement hors de l’accord de Paris que nous avons pourtant tous signé.

Un portrait récent indique que l’objectif de financement climatique de 100 milliards de dollars par an sera respecté par les pays industrialisés à partir de 2023. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?  

Pour le Groupe Afrique, c’est une mauvaise nouvelle. Encore une fois, nous sommes hors de l’objectif de l’accord de Paris. Cet accord dit ceci : « à partir de 2020, le support de pays développés aux pays en développement doit être d’au moins 100 milliards de dollars par an ». Au moins, ça veut dire c’est un plancher. Mais aujourd’hui, ce seuil, ce plancher est devenu l’objectif à atteindre et il n’est même pas atteint alors qu’il devait être atteint en 2020. Cette situation nous nous pose des questions fondamentales sur la confiance entre les parties parce qu’il faut savoir, qu’historiquement, le Groupe Afrique n’était pas responsable de la situation et n’avait pas fourni des efforts et avec l’accord de Paris, toutes les parties se sont engagées à fournir des efforts pour réduire leur émissions. Ce qui fait que portons une charge qui n’est pas de notre responsabilité mais qu’en échange, nous souhaitons avoir le support financier nécessaire pour ne pas opérer notre développement économique.

100 milliards de dollars par an. Est-ce que c’est un objectif qui suffit ? On voit des estimations selon lesquelles à partir de 2030, les coûts de d’adaptation dans les pays en développement pourraient se chiffrer à 300 milliards de dollars par an.

Tout à fait, les 100 milliards de dollars par an ne sont pas suffisants. Il s’agissait d’un engagement pour établir la confiance entre les deux parties : les pays en développement et les pays développés. Aujourd’hui, le Groupe Afrique lance un nouvel objectif avec un nouveau montant qui doit être au moins 10 fois plus élevé que les 100 milliards de dollars par an. Donc nous parlons d’une somme évaluée entre 750 milliards de dollars et 1300 milliards de dollars qui devrait être le nouvel objectif sur la finance conformément à l’accord de Paris qui doit être démarrer en 2025.

Pourquoi ce décuplement des montants nécessaires pour l’adaptation ?

Ce décuplement des montants s’explique par le fait qu’aujourd’hui, le montant alloué à l’adaptation est très faible. Il n’y a pas de véritable objectif en termes d’adaptation. Ce décuplement fait partie de l’une des priorités du Groupe Afrique. Nous devons lancer, au cours de cette COP, un nouvel objectif sur l’adaptation. Aujourd’hui, on met l’argent sur l’adaptation sans savoir réellement le coût de l’adaptation mondiale, le coût pouvant permettre aux populations vulnérables de résister aux changements climatiques.

Est-ce qu’il y a des leçons à tirer de la mobilisation internationale à laquelle on a assisté contre le Covid-19 ?

Oui, bien évidemment. On a vu que le travail en commun a permis de faire en sorte que le Covid-19 soit non pas anéanti mais fortement et c’est la même chose avec le changement climatique. Il n’y a que les processus multilatéraux qui pourront permettre de tâter le changement climatique mais de nos jours, on fait face à de nombreux intérêts nationaux au-delà  de l’intérêt mondial qui empêche que des solutions soient trouvées véritablement.

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